La sonnambula
Théâtre • Lucerne • 24/04/2010
Rick Stengårds (dm)
Lorenzo Fioroni (ms) Christian Kipper (dr) Paul Zoller (d) Katharina Gault (c) David Hedinger (l) |
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Malgré sa mise en scène douteuse, il se dégage de cette production plus d'émotion qu'à la Bastille en février dernier, grâce à la seule beauté du chant, aux qualités d'ensemble et au phrasé très naturel de l'orchestre comme des chanteurs. La légèreté de la pâte orchestrale rend bien l'esprit de l'oeuvre et de son époque de création. La bonne acoustique de ce petit théâtre à deux balcons facilite aussi le travail des chanteurs, qui n'ont nul besoin de forcer leurs moyens vocaux.
Sumi Kittelberger a toutes les qualités d'une excellente Amina. Elle intercale sans peine des contre-notes piquées dans ses cabalettes, mais chante aussi un superbe "Ah non credea". Peut-être pourrait-elle moins pencher la tête en arrière sur ses aigus? Sa voix s'accorde très bien à celle d'Elvino dans leur duo. Tous les ensembles témoignent d'ailleurs d'un bon travail musical. Vocalement efficace, Utku Kuzuluk semble scéniquement gauche, mais c'est peut-être le souhait de Lorenzo Fioroni de lui faire "surjouer" le ténor? à moins qu'il n'ait voulu le déguiser en Juan-Diego Florez dans la production du Met, comme la comparaison des deux photographies ci-contre pourrait le laisser penser !
Robert Maszl a une émission efficace et Katharina Persicke une voix bien charnue. Olga Privalova a un beau timbre de mezzo. Boris Petronje a du métal mais grossit sa voix en dunkler Knödel.
Le décor unique n'évoque jamais le village suisse de l'action, ce serait trop simple, surtout en Suisse ! Il est composé de poutres, cordes, passerelles, tables et chaises plus ou moins renversées, sommier de lit... Les costumes eux aussi de bric et de broc évoquent vaguement une braderie Emmaüs ou les pays de l'Est sous le communisme.
Le metteur en scène semble avoir voulu représenter la bêtise et la versatilité du peuple par des actions physiques aussi primitives qu'attacher ou chercher à pendre successivement à peu près tous les personnages : Amina, Elvino, le Comte, Lisa, Teresa, tout le monde y passe ! Un "meneur de jeu" intervient aussi parfois pour manipuler les personnages, les "mettre en scène" en direct. Lorenzo Fioroni a une troisième idée : le "bon parti" Elvino arrive avec une valise emplie de billets qui sont distribués à tous les villageois, lesquels vont ensuite alternativement les jeter, les récupérer et se les échanger entre eux. Quand le peuple découvre Amina dans la chambre du Comte, la mise en scène devient littéralement absurde. Une bonne soirée musicale et vocale cependant !
Alain Zürcher