Joyce DiDonato R
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 16/06/2010
|
Joyce DiDonato est une boulimique ! Déjà en 2008, elle s'échappait de l'opéra Bastille pour venir chanter des mélodies américaines à l'Opéra Comique. Cette année, c'est entre deux représentations de la Dame du Lac de Rossini au Palais Garnier qu'elle vient offrir un récital au TCE ! Elle y retrouve d'ailleurs au piano le même excellent partenaire, David Zobel.
Récital "à l'ancienne", puisqu'il commence par des "arie antiche", ces airs anciens étudiés par les chanteurs au début de leurs études, qui ont longtemps servi aux cantatrices à se mettre en voix au début de leurs récitals, avant d'être considérés comme ringards et inauthentiques à l'époque où on ne donnait plus que des "intégrales", et finalement revenus en grâce maintenant que les artistes ont réappris à composer sans honte des programmes éclectiques destinés à faire plaisir à leur public.
Programme ce soir éclectique mais chronologique, puisque la soirée se poursuit avec Beethoven et Rossini puis des chansons et mélodies italiennes du 20ème siècle.
Dans les mélodies italiennes encore très mozartiennes de Beethoven comme dans Rossini, on peut espérer et entendre une musicalité de bon aloi. Dans les arie antiche, avec leurs arrangements fin 19ème, c'est plus difficile. Joyce DiDonato assume totalement le romantisme tardif de ces versions, avec des ralentis et points d'orgue alanguis dans Durante, mais chante des diminutions et variations dans Se tu m'ami, attribué ici à Pergolesi, alors même qu'il s'agit d'une oeuvre de l'éditeur des arie antiche, Alessandro Parisotti (1853-1913).
Dès le premier air, Joyce DiDonato expose les touches variées d'une palette qui inclut un grave toujours un peu surtimbré et nasalisé à la Marilyn Horne, mais aussi des couleurs douces presque éthérées, qui font merveille ensuite dans Amarilli de Caccini, avec son contrechant au piano bien détaillé par le toucher léger de David Zobel.
Dans le moins connu Mio ben de Rossi, le décalage entre la période de composition de la mélodie d'origine et de la partie de piano est flagrant jusqu'à faire sourire. Joyce DiDonato y déploie un superbe legato. De Beethoven, elle fait notamment se succéder la version énervée et la version tendre de L'amante impaziente, deux versions écrites sur le même texte, qu'elle contraste à merveille.
Avant l'entracte, sa cantilène de Desdemona est superbe, comme en bis le Tanti affetti extrait de la Donna del lago, qu'elle offre en invitation à venir l'écouter à l'opéra, ou bien en consolation pour ceux qui n'en auraient pas la possibilité ! En premier bis, elle présente la chanson d'amour d'un "très jeune compositeur" qu'elle joue admirablement bien, et il s'agit du Voi che sapete de Cherubino !
La deuxième partie du récital exige une autre vocalité, à laquelle Joyce DiDonato s'adapte une fois de plus. Déclamation vériste, rythmes de chanson... son choix est varié et lui permet de beaux moments d'émotion, comme le très concentré Oscuro è il ciel de Pizzetti, les belles lignes vocales de O del mio amato ben de Donaudy, l'intense Lolita de Buzzi-Peccia et le puissamment enjôleur La Spagnola de Di Chiara, en se reposant au passage avec l'amusante Pastorella de Castelnuovo-Tedesco.
Alain Zürcher