Bellérophon OC
Cité de la Musique • Paris • 16/12/2010
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Bellérophon était la dernière tragédie lyrique à ne pas avoir rejouée en France depuis la redécouverte de ce répertoire à la fin du siècle dernier. Cet oubli a été réparé cet été au festival de Beaune. Coproducteur, la Cité de la Musique accueille ce soir cette même version de concert. Bellérophon présente quelques beaux moments et aucune grande faiblesse. On attend donc la production scénique qui nous permettra de voir la Chimère et le cheval de Pégase. Suggestion ci-contre !
En version de concert, toute la représentation du drame repose sur l'orchestre et les chanteurs. Ils nous offrent ce soir un Lully de bonne facture mais prévisible. Une fois quelques imprécisions surmontées par les violons, les Talens Lyriques sonnent comme souvent un peu sec. Sans doute l'Opéra de Versailles leur sera-t-il un écrin plus favorable demain soir. Le choeur est musicalement important et intéressant dans cette oeuvre. Malheureusement, une voix de haute-contre claironnante en gâche l'équilibre.
Le plateau vocal est lui très inégal. La grande qualité de certains fait encore mieux ressortir les faiblesses des autres. Ingrid Perruche dispose maintenant d'une technique vocale tout-à-fait épanouie. Son émission fluide et libre a beaucoup gagné en rondeur et en legato. Face à elle, Céline Scheen laisse perplexe. L'absence totale de stabilité et d'alignement de sa posture ne semble pas relever d'une indisposition passagère. Ondulant de la colonne vertébrale, elle tend le cou, lève la tête et minaude pour émettre des sons serrés, dénués de tout rayonnement et de toute ligne, et souvent exagérément nasaux, en particulier les "è". Espérons qu'elle ne considère pas ceci comme le summum de l'interprétation baroque et qu'elle saura retrouver une direction vocale plus orthodoxe. Jennifer Borghi pourrait elle aussi libérer davantage sa voix, un peu emprisonnée dans les joues et dans le nez.
Côté masculin, Cyril Auvity est toujours aussi superbe de clarté. S'il a gagné en rondeur, on espère qu'il s'arrêtera sagement en chemin sur la voie du grossissement vocal. Son phrasé est long et intéressant. Intelligent aussi, les phrasés, articulations et couleurs que Jean Teitgen trouve pour ses personnages. Brillant et sombre à la fois, sans être grossi, il a tout le potentiel pour incarner tous ses personnages sur scène, sans avoir besoin de surtitres ! Evgueniy Alexiev a une émission plus caverneuse, à la diction donc moins claire, mais qui se dégage peu à peu et trouve plus de liberté. Assez court de phrasé surtout en début de soirée, il privilégie l'accent plutôt que la ligne. Robert Getchell tient des petits rôles mais avec une émission brillante et solide.
Les troisième et quatrième actes offrent les airs les plus séduisants, parmi lesquels un duo de Bellérophon et Philonoé séparés par l'oracle, qui décalque la même situation dans Cadmus et Hermione et le quatuor "Pour adoucir le Ciel".
À écouter le 17 décembre à l'Opéra de Versailles et le 25 janvier 2011 au théâtre An der Wien à Vienne.
Alain Zürcher