Les Brigands
Opéra Comique • Paris • 22/06/2011
Choeurs de l'Opéra de Toulon
Orchestre Les Siècles François-Xavier Roth (dm) Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps (ms) Françoise Darne (d) Macha Makeïeff (c) Marie-Christine Soma (l) |
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Ce spectacle est une totale réussite musicale et scénique ! On oublie qu'il s'agit de la reprise d'une production créée pour l'opéra Bastille en 1993. Il semble qu'elle ait tout simplement ici regagné ses pénates, cette salle Favart qui lui convient tellement mieux, après d'ailleurs une bonne tournée de rodage à Bordeaux, Luxembourg, Toulon...
Dès l'ouverture, François-Xavier Roth et son orchestre Les Siècles sont parfaitement idiomatiques, avec une infinie subtilité de timbres et de phrasés et un respect tout en finesse de la tradition, qui recrée instantanément tout un monde de souvenirs ! La mise en scène de Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps est du même niveau, dans une oeuvre qui leur convient parfaitement et qui a construit leur style.
Dans le programme de salle, ils disent avoir été frappés de la similitude entre la troupe de brigands et une troupe de théâtre. à lire dans ce programme les lettres d'Offenbach à ses librettistes, on est aussi frappé de la similitude dans la recherche de la "situation" et de l'effet entre le compositeur et les metteurs en scène. Tous visent à l'efficacité dramatique ou plutôt comique, sans refuser des procédés qui n'étaient pas encore des auto-références.
Le décor comme les costumes semblent issus de la création de l'oeuvre, dont ils rappellent l'affiche ! D'ailleurs, même les instruments de l'orchestre sont d'époque, et François-Xavier Roth le dirige du milieu de la fosse, entouré de ses musiciens dont la majorité est tournée vers le plateau, ce qui crée une vraie fusion, sans décalages. Le décor de toiles peintes en plans successifs est intelligemment souligné quand les têtes des brigands en surgissent et qu'ils progressent en file indienne vers l'avant de la scène derrière ces toiles, comme en suivant les lacets d'un sentier de montagne.
La distribution vocale est très étonnante, c'est un peu comme un repas de famille qui réunirait, autour de quelques aînés, toute une génération de chanteurs que l'on a entendus au cours de leurs études et qui sont depuis partis chanter aux quatre coins de la France. Tous se fondent, avec un excellent français, dans ce style bouffe. Certains sont surdimensionnés et viennent, comme Francis Dudziak, chanter superbement quelques phrases. Philippe Talbot est aussi superbe vocalement que réussi dans sa caricature d'Espagnol. Loïc Félix a la voix et le brio de son personnage, il lui manque juste un je ne sais quoi pour être parfaitement juste scéniquement, un zeste de sincérité peut-être? Martial Defontaine a toujours eu le chic d'un prince. Julie Boulianne est étonnante et excellente, avec sa voix aux hormones masculines sans grossissement.
Daphné Touchais offre une des possibilités d'incarnation d'un rôle à facettes et talents multiples, qui requiert du brio dans l'aigu mais aussi de la sensualité dans le médium, et bien sûr de l'abattage scénique ! Éric Huchet est également une excellente option pour Falsacappa, jadis joué par Michel Sénéchal, et Franck Leguérinel oublie sa voix pour jouer avec son talent habituel le rôle comique créé en 93 par Jérôme Deschamps lui-même. Michèle Lagrange, ex-Fiorella, est une Princesse de Grenade de luxe, aux intonations fatales de grande dame espagnole. Marc Molomot, toujours impayable, a sans doute porté son rôle encore plus loin que prévu !
Le trio des trois marmitons, doublé par trois plumeurs de poulet, est un morceau d'anthologie. Le public est aux anges ! Pas de captation télé pour cette reprise? Il va falloir venir en profiter sur place !
À voir jusqu'au 2 juillet à l'Opéra Comique.
Alain Zürcher