Georg Nigl est un Orfeo et un Wozzeck idéal. C'est aussi un grand interprète du répertoire contemporain, que Pascal Dusapin connaît bien pour l'avoir distribué dans Faustus et Passion. Interprète du Lied (auquel il a consacré par exemple l'été dernier avec de nombreux récitals), Georg Nigl a commandé ce cycle à Pascal Dusapin. Le résultat est surprenant dans son absence apparente de structure et dans son assujettissement au texte. La mise en scène renforce également l'accent mis sur la création d'une atmosphère plutôt que sur la construction d'une oeuvre. Comme improvisé, le piano égrène des accords au fil de la déclamation du chanteur, sans acquérir plus de consistance que le grillon de la bande enregistrée.
Le plateau est sombre, les poèmes aussi, de rares projecteurs trouent la nuit. Tout ceci n'est qu'un écrin pour le chanteur acteur, ou chanteur homme... Georg Nigl est intensément, magnétiquement présent. La souplesse de son corps se reflète dans celle de sa voix. Toujours ancrée au sol même quand il lance de tranchants aigus. Pas trop grossie même quand il la creuse vers le grave. Une ductilité idéale pour le Lied, mais aussi pour les personnages écorchés comme Wozzeck ou solaires comme Orfeo. En utilisant tous les tons de sa palette expressive, Pascal Dusapin s'est mis en même temps à son service, lui permettant de passer du pianissimo au forte, du parlé au chanté, du timbré au détimbré. Peu d'interprètes pourraient "tenir" un tel spectacle, avec des morceaux d'une telle lenteur, en maintenant par leur propre concentration celle du public.
Du fait d'une ampoule défectueuse, celle du vidéo-projecteur, le spectacle était encore plus sobre ce soir. Il n'y a peut-être pas perdu en intensité.
À voir jusqu'au 19 novembre 2011 à 21h au théâtre des Bouffes du Nord.
Alain Zürcher