Giulio Cesare OC
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 25/11/2011
Alan Curtis (dm)
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Classique de la programmation du TCE, ce Giulio Cesare est cependant original par sa distribution féminine. En l'absence de femme à barbe pour jouer Achille, ce rôle est le seul distribué à un homme, le petit rôle de Curio étant supprimé. Les mezzos triomphent donc là où les contre-ténors parfois déçoivent.
Le rôle titre est en effet "lourd" et surtout varié. Marie-Nicole Lemieux excelle à en souligner toutes les facettes. Haendel ayant omis de lui offrir une scène de folie, elle en rajoute même un peu dans son "Va tacito", où ses mimiques nous éloignent de la dignité d'un empereur romain. Dès son premier air, "Empio, dirò, tu sei", elle excelle dans les vocalises rapides, et ses graves sont bien mordants. Dans "Alma del gran Pompeo", elle chante un beau récit sombre, concentré et bien conduit, et bascule ensuite sans transition dans la séduction tendre avec Cléopâtre. Après l'entracte, elle incarne aussi très bien le difficile "Aure, deh, per pietà", qui est plus une scène dramatique qu'un air. On n'a par contre pas entendu ce soir "Qual torrente", où elle se serait sans doute bien amusée !
Équilibré de timbre et intéressant de phrasé, le Sesto de Emöke Baráth est une superbe découverte. Il ne lui manque que de mieux s'approprier et libérer les ornements de ses reprises. Privée ce soir de "La giustizia", elle chante un "L'angue offeso" de bonne tenue.
Romina Basso séduit en Cornelia avec de beaux graves. Dans son petit rôle, Milena Storti démontre le naturel de son phrasé et de son émission.
Mary Ellen Nesi est un bon Ptolémée. Peut-être un contre-ténor rend-il ce personnage plus facilement antipathique? Après un tonique "L'empio, sleale", elle montre une certaine fatigue dans "Domerò la tua fierezza".
Karina Gauvin apporte de la fantaisie à ses phrasés mais hélas aussi une émission très inégale, alternativemment ampoulée et étranglée, entachée de nombreuses stridences dans l'aigu, dont elle a une conception proche du cri. Parfois alors trop haute, elle est aussi souvent trop basse quand elle prend ses sons par en-dessous. Sa ligne vocale ondule sans soutien constant. Pris dans un tempo très lent, "Piangerò" se délite à l'orchestre et n'est guère plus convaincant vocalement.
Johannes Weisser a une émission un peu brute et ouverte. Semblant gérer son souffle trop haut, il pousse sa voix, au dépens notamment d'une parfaite justesse. Sa voix peine à s'intégrer dans le choeur final.
L'orchestre assure le service minimum. Dès l'ouverture, le manque de virtuosité et de mordant laisse sur sa faim. Ses timbres plastifiés rappellent davantage Jean-François Paillard que les ensembles baroques les plus incisifs. Il tient cependant des tempi stables, aptes à soutenir sinon à stimuler les chanteurs.
Les deux duos de l'oeuvre sont magnifiquement rendus. Tant les voix de Sextus et Cornélie que celles de César et Cléopâtre s'accordent à merveille.
À écouter le 7 janvier 2012 à 19h30 sur France-Musique.
Alain Zürcher