Écoutes de Spectacles

Egisto

 • Paris • 01/02/2012
Vincent Dumestre (dm)
Benjamin Lazar (ms)
Adeline Caron (d)
Alain Blanchot (c)
Christophe Naillet (l)
Egisto  :  Marc Mauillon
Lidio  :  Anders Dahlin
Clori  :  Claire Lefilliâtre
Climene  :  Isabelle Druet
Hipparco  :  Cyril Auvity
Aurora, Amore  :  Ana Quintans
Didone, Volupta  :  Luciana Mancini
La Notte, Dema  :  Serge Goubioud
Apollo  :  David Tricou

Pour compléter leur tour d'horizon des formes lyriques du XVIIe siècle, le Poème Harmonique, après la comédie-ballet avec Le Bourgeois Gentilhomme et la tragédie lyrique avec Cadmus et Hermione, s'attaque à l'un des premiers opéras italiens. (Cet automne, on avait pu applaudir à l'Athénée le très différent Egisto de Marazzoli et Mazzocchi.)

Les bougies éclairent un efficace décor tournant : une tour ruinée constituée d'arches et de deux niveaux qui offre de multiples perspectives et possibilités de circulation, ainsi que des déplacements intelligemment synchronisés avec le mouvement tournant de l'ensemble.

Côté orchestre, Vincent Dumestre s'est inspiré de l'effectif imaginable dans le petit théâtre de San Cassiano. On regrette la somptuosité orchestrale et la variété des choix de René Jacobs, partisan d'un enrichissement plus radical de la basse continue. L'oeuvre est cependant fondée sur son splendide livret, ses affects et ses personnages. Quand les chanteurs qui les incarnent sont intenses, l'orchestre les soutient bien suffisamment. Certaines scènes avec des personnages secondaires semblent par contre plus fades, ainsi celle réunissant Vénus et l'Amour. Fade aussi ces éternelles poses de bras issues d'une gestuelle baroque mal digérée.

Cet Amour retrouve tout son piquant dans sa désopilante scène aux Enfers, où le fruité vocal d'Ana Quintans fait merveille. On retrouve la vitalité provocante de la Calisto de Genève, si platement édulcorée deux semaines plus tard à Paris. Marc Mauillon semble d'abord un peu en retrait, mais c'est pour mieux exploser dans ses deux scènes de folie, taillées à la mesure de son tempérament dramatique. Sa scène avec Clori est également superbe.
Une fois acceptée l'émission droite et parfois tendue de Claire Lefilliâtre, elle sonne de manière profondément juste et indissociable de ce répertoire. Isabelle Druet chante bien (notamment sa plainte du deuxième acte) mais surprend par son timbre devenu étrangement générique, peut-être pour gagner en solidité vocale dans des rôles plus sopranisants? En début de soirée, ses passages en poitrine sont un peu rudes.
Cyril Auvity est comme toujours excellent et convaincant. Anders Dahlin peine à maîtriser une tessiture plus aiguë que celle d'Hipparco, reliant mal son fausset à sa voix pleine ou ne l'acceptant pas franchement. Serge Goubioud a de même une émission très directe, un peu serrée et appuyée dans le rôle sérieux de la Nuit, mais en habitué des rôles de nourrice, il excelle ensuite en Dema. Son grand air de l'acte II est rendu d'autant plus entraînant par le traitement orchestral de la basse. On se demande pourquoi Vincent Dumestre n'a pas étendu ce type de traitement à d'autres numéros - sans aller jusqu'à en abuser comme Christina Pluhar, il doit y avoir un juste milieu !

À voir jusqu'au 9 février à l'Opéra Comique, puis à l'Opéra de Rouen du 16 au 19 février.