Matthias Goerne (Schwanengesang) R
Salle Pleyel • Paris • 11/05/2012
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En tant que cycle, le Chant du Cygne de Schubert est une création de son éditeur, qui a regroupé les derniers Lieder composés par Schubert sur des poèmes de Heine, Rellstab et Seidl. Comme déjà en 2005 avec Brendel, Matthias Goerne supprime l'unique Lied de Seidl, le "trop joyeux" Taubenpost, mais ajoute un Lied de Rellstab, Herbst, composé à la même période mais découvert seulement dans les années 1890. Le Pigeon voyageur (Der Taubenpost) constitue dès lors un bis idéal.
Matthias Goerne séduit par l'économie de ses forte, qui comme ceux de Chaliapine (au dire de celui-ci) frappent par leur contraste avec les nuances usuellement piano à pianissimo de sa prestation. Ainsi dans la sérénade (Ständchen), que Matthias Goerne chante en crooner à la Peter Kraus. Der Atlas pourrait quant à lui être plus impressionnant.
Contraste aussi entre les couleurs sombres et claires, par exemple entre les "Herz..." sombres et les "bald..." en voce finta de Kriegers Ahnung, ou les couleurs sombres de In der Ferne, bien reliées avec de belles incursions en voix mixte dans l'aigu et une reprise mezza-voce très habitée. Ihr Bild et Der Doppelgänger offrent aussi des passages lents et doux qui excellent à créer une atmosphère.
Côté défauts, on peut regretter les respirations hautes et surtout très bruyantes de Matthias Goerne. Quelques passages aigus sont poussés, comme "beglücke" dans Ständchen ou "ewig derselbe" dans Aufenthalt.
Les tempi choisis sont souvent étonnamment lents. Très tranquille, le "Bächlein" de Liebesbotschaft ne se "eilt" pas du tout. La taille de la salle rend le toucher de Christoph Eschenbach parfois inconsistant et imprécis, ainsi dans Liebesbotschaft, Frühlingssehnsucht ou Herbst. L'accompagnement d'Abschied est transformé en "machine à écrire", de façon aussi peu respectueuse que peu intéressante. Le plus dramatique Aufenthalt inspire davantage Christoph Eschenbach, mais c'est avec In der Ferne que l'on apprécie pour la première fois la qualité d'accord et d'écoute du duo. Christoph Eschenbach semble finalement très motivé par les trois derniers Lieder présentés, Die Stadt, Am Meer et Der Doppelgänger, où le piano plante le décor que Matthias Goerne habite ensuite intensément. En bis, Der Taubenpost est élégant et équilibré.
En complément de programme, la magistrale sonate D.960 surprend par le tempo très lent choisi pour l'andante. L'ensemble n'a pas l'urgence tragique que lui insufflait par exemple un Sofronitzki. Si la construction musicale d'ensemble est à la mesure de l'oeuvre, la combinaison du toucher de Christoph Eschenbach et de l'acoustique de la salle n'emporte pas l'auditeur dans un discours musical continu et soutenu.
Alain Zürcher