Les Pêcheurs de Perles
Opéra Comique • Paris • 18/06/2012
Orchestre Philharmonique de Radio France
Choeur Accentus Leo Hussain (dm) Yoshi Oïda (ms) Tom Schenk (d) Richard Hudson (c) Daniela Kurz (chg,ms) Fabrice Kebour (l) |
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Avec ce spectacle, l'Opéra Comique remplit sa mission de diffusion du répertoire français. De nombreux collégiens sont d'ailleurs invités dès la première, et le public est enthousiaste à la fin. Pour la troisième fois consécutive cette saison, cette production me semble cependant moins intéressante que le niveau de qualité et d'originalité auquel Jérôme Deschamps nous avait habitués depuis sa prise de fonctions. Simple hasard temporaire sans doute !
La version choisie est celle de la création en 1863, qui sera ensuite remaniée. Le livret en est bien sûr toujours aussi maigre, et l'oeuvre vaut toujours par quelques beaux moments mélodiques pour les voix - à défaut d'une écriture orchestrale qui n'a pas encore le génie de celle de Carmen.
Sous la baguette de Leo Hussain, l'Orchestre Philharmonique de Radio France ne révèle aucune qualité méconnue de la partition. Le choeur Accentus apporte sa clarté et sa lisibilité, valorisant ainsi l'important personnage collectif qu'il constitue. Bizet semble en effet s'être amusé à tester, dans cet opéra écrit à 24 ans, différentes formes d'écriture chorale. Son "Ô nuit d'épouvante" est presque berliozien, et quand le choeur réclame la mort du couple impie, c'est avec un tonus ressenti ce soir pour la première fois.
Le spectacle a décollé peu après l'entracte, après avoir dégagé un certain ennui en première partie. La réalisation scénique est d'un classicisme confondant, digne de la Mireille de Nicolas Joël au Palais Garnier. Les deux oeuvres sont d'ailleurs contemporaines. Jérôme Deschamps est pourtant allé chercher un comédien de Peter Brook, Yoshi Oïda, qui lui-même a fait appel à une chorégraphe allemande... et le décor n'a rien d'une Inde de pacotille. Mais rien de neuf, rien même de frais dans la direction d'acteurs, dans le placement du choeur, dans le rapport entre les personnages, le discours sous-jacent... Si l'on se demande souvent à quoi servent les "dramaturges", peut-être la réponse est-elle là en creux !
De la chorégraphie, on retient les amusantes glissades, parfois tête la première, sur le toboggan géant constitué par le fond relevé du plateau.
De la distribution, on retient la formidable Sonya Yoncheva, qui comme ses collègues aligne les références dans sa biographie pour bien montrer qu'elle a déjà chanté dans le monde entier sous la baguette des plus grands chefs, mais qui n'en est pas moins une jeune chanteuse prometteuse ! Sa Leïla est corsée, pas encore trop pour sa santé vocale, mais déjà suffisamment pour la rendre excitante, belcantiste et magnifiquement compréhensible. André Heyboer a une gestuelle et une émission à l'ancienne, de bonne facture mais un peu lourde et mate. Il chante un beau L'orage s'est calmé. Dmitry Korchak a une émission moins couverte, plaçant ses aigus sur de beaux "i". Son émission est fluide et agréable. Dommage qu'il braille son "char-mant" aigu que la partition demande pianissimo.
Il est tout de même préjudiciable que les trois rôles principaux soient distribués à trois voix d'écoles et d'esthétiques vocales opposées. Sonya Yoncheva rend intéressante ses scènes avec Nadir et Zurga (quand même un peu pompier dès que Zurga est "jaloux"), mais le duo entre Nadir et Zurga, tube de la partition, manque de poésie.
À voir jusqu'au 28 juin à l'Opéra Comique.
Alain Zürcher