Artaserse OC
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 11/12/2012
Diego Fasolis (dm)
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Devant le succès de cette production, on a du mal à imaginer à quel point elle aurait pu échouer, mais pourtant il n'était pas facile de réunir cinq contre-ténors et un ténor pour l'interpréter ! Six chanteurs masculins disponibles et en bonne forme en même temps, dont les voix puissent bien s'accorder...
Et la musique de Vinci, n'aurait-elle pas pu nous paraître pauvre, répétitive, vainement excitée? Mais là aussi, on ne relève que l'énergie implacable que Diego Fasolis communique à Concerto Köln, qu'il dirige avec ses grands battements d'ailes habituels. Mouvements finalement sobres et efficaces, qui animent des tempi d'une stabilité remarquable et d'une belle construction d'ensemble. à chaque retour d'un air vif, on pourrait être blasé, mais non, on se laisse à nouveau emporter ! Dès l'ouverture, l'unité de l'ensemble s'impose, sans jamais se perdre au cours de la soirée.
Le livret de Metastasio est la quintessence ou la caricature de son style, enchaînant jusqu'au délire les "airs de comparaison". La surprise vient de ce qu'Arbace et non Artaserse chante les airs les plus beaux et les plus difficiles. Or, son incarnation du rôle titre comme d'évidentes raisons de marketing ont mis Philippe Jaroussky en avant sur la pochette de l'enregistrement. Le rôle de Mandane était aussi à l'origine plus développé, bénéficiant de la présence de Giacinto Fontana dans la troupe de Vinci à Rome. Rome où seuls les hommes étaient autorisés à chanter, d'où la distribution ! Ce personnage est un peu pâle ce soir, peut-être en raison de l'indisposition annoncée de Max Emanuel Cencic. Il chante tout de même un beau duo avec Arbace, chose rare dans le répertoire de l'époque.
Reprenant le rôle créé par Carestini, Franco Fagioli par contre se révèle au cours de la soirée. Si on pouvait trouver un peu contrainte l'émission de son premier air, on comprenait ensuite que les exigences de son rôle l'incitaient à conserver une émission très concentrée, efficace du point de vue du souffle, qui lui permet un beau legato et de longs phrasés, en plus de la virtuosité qui lui est demandée, sans aucun mollissement du tempo ! Philippe Jaroussky au contraire joue la clarté, la pureté et la liberté du timbre, dans un rôle aux exigences techniques moindres mais dont il incarne magistralement la noblesse désinvolte.
Pour différencier le méchant, distribuons-le à un ténor ! Daniel Behle est très efficace dans ce rôle. Pour seconder le scélérat (qui sera magnanimement gracié à la fin), Yuriy Minenko a une belle voix pure dont il relie bien les mécanismes grave et aigu. Enfin, Valer Barna-Sabadus est une impayable Semira, par la gestuelle et les mimiques autant que par la voix. Comme Philippe Jaroussky, il semble rechercher un engagement de tout son corps dans le chant. Sans doute dans un autre rôle pourra-t-il remplacer certains mouvements extérieurs par plus de souplesse intérieure.
Un concert idéal pour donner une idée de cadeau de Noël? à l'entracte, les coffrets de CDs sont partis comme des petits pains.
Alain Zürcher