Wagner (Philharmonique) C
Salle Pleyel • Paris • 06/01/2013
Marek Janowski (dm)
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Marek Janowski a voulu être le premier à lancer l'année Wagner, en deux courts concerts donnés salle Pleyel vendredi 4 et ce dimanche 6. L'année 2013 est en effet celle du bicentenaire de Richard Wagner, né le 22 mai 1813 à Leipzig.
Pour cela, Marek Janowski a réuni deux interprètes honnêtes, Stephen Gould et Albert Dohmen, et une fabuleuse, Violeta Urmana !
Les deux premiers ne sont pas avantagés par le choix de l'Enchantement du Vendredi Saint de Parsifal pour ouvrir le concert. Le spectateur n'a pas deux mesures pour se mettre dans l'ambiance et doit tout de suite analyser la portée religieuse du dialogue entre Parsifal et Gurnemanz, qui n'ont eu que leurs loges pour préparer leur quart d'heure sur scène. Le tempo est vif, la clarinette est hésitante, la prononciation de Stephen Gould est plus claire que celle d'Albert Dohmen, mais ni eux ni le chef ne manifeste le moindre charisme. Le legato et la conduite des phrases ne sont pas parfaits, et malheureusement c'est déjà fini.
Formation plus réduite pour Siegfried Idyll, une petite cinquantaine de musiciens quand même, mais intimes et précis, quoique toujours assez froids.
Après l'entracte, le Voyage de Siegfried sur le Rhin peine à suivre son cours, faute d'une pulsation et d'un élan communs. à chaque entrée d'instrument soliste, le précédent s'efface de manière assez ridicule, comme si le nouveau venu ne pouvait pas s'affirmer par lui-même sans que se délite ainsi le tissu orchestral.
Enfin, l'entrée des cuivres de la Marche Funèbre fait éclater la bulle chambriste où l'orchestre semblait enfermé jusque là, pour faire entendre quelques vrais sons pleins, qui réveillent à leur tour les bois. La pulsation est aussi mieux assise.
Mais cela ne fait que préparer en beauté l'entrée de Violeta Urmana, qui a déjà chanté Isolde vendredi soir. Dès sa première note, on ressent le frisson électrique qui avait rendu si incroyable la Walkyrie du jadis "Nouvel" Orchestre Philharmonique en 1986. Sous la baguette de Marek Janowski, cet orchestre qui était alors voué aux oeuvres hybrides et contemporaines à effectifs variables, quelque chose entre l'Ensemble Orchestral de Paris et un véritable orchestre, était tout d'un coup capable de faire vibrer Wagner et de donner le grand frisson comme Bruno Walter et son légendaire premier acte ! La situation a bien évolué depuis, puisque le Philharmonique questionne souvent la légitimité de l'Orchestre National de France...
Le centre de ce rayonnement qui irrigue désormais l'orchestre est Violeta Urmana et son aplomb incroyable, noble de port et ancrée au sol comme un roc, tandis que le métal de sa voix traverse la salle, porté par un legato parfait. Ses aigus ne sont ni faciles ni beaux, mais ils ont l'exacte vaillance que l'on attend, ce tranchant à la Birgit Nilsson. D'autres les crieraient, mais Violeta Urmana y combine métal et soutien vocal. La plus belle leçon de chant depuis celle d'Edita Gruberova en décembre 2009 au TCE !
Alain Zürcher