Wanderer, post scriptum RS
Bouffes du Nord • Paris • 18/02/2013
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Le récital mis en scène est un genre en plein essor. Les techniques de la projection vidéo permettent de créer des atmosphères très efficacement et pour un coût raisonnable ! Le spectateur qui pourrait rester quelque peu hermétique à la seule musique se retrouve ainsi plongé dans un univers visuel qui ajoute à la poésie des oeuvres musicales et de leurs textes.
Les textes de ce soir sont exigeants. En allemand, anglais et italien, il faut soit les connaître et comprendre, soit les déchiffrer et mémoriser rapidement dans la pénombre avant le début du spectacle, car celui-ci se déroule sans surtitres. Quoi que l'on pense de la distraction apportée par ces derniers, leur absence est sans doute le principal défaut de ce spectacle. Même le public branché et acquis d'avance de la soirée s'agitait de plus en plus nerveusement sur les banquettes, au fur et à mesure que s'enchaînaient des pièces auxquelles il ne comprenait pas grand chose et dont il se demandait sans doute même de quel compositeur elles étaient.
La voix d'Ivan Ludlow n'est pas spécialement belle, mais solide, souple, longue et expressive. Le jeu de Kalina Georgieva est d'une maîtrise absolue. Il en découle une gestion implacable du temps et de la respiration de la représentation.
Après des Lieder plus déclamatoires d'Hanns Eisler, Le cycle de Wolfgang Rihm est très séduisant par son lyrisme et le placement également lyrique qu'il appelle chez le baryton. Les extraits de l'Holywood song-book sont dans une veine plus "chanson", avec parfois des accents wolfiens. Im Treibhaus, extrait des Wesendonck Lieder de Wagner, est diffusé sous forme d'enregistrement, par-dessus lequel Ivan Ludlow chante ensuite.
La mise en scène d'Antoine Gindt est un produit typique de sa structure Théâtre et Musique. Elle se fonde sur l'intimité du couple que forment "à la ville" les deux artistes. Des nuages puis d'ondulantes stries sont projetés sur un écran. Ivan Ludlow occupe l'espace de la scène, devant ou derrière l'écran, contre le piano ou une malle métallique, sans excès scéniques. On peut regretter que tout le cycle de Gérard Pesson soit chanté derrière l'écran, ce qui tient à distance ce cycle déjà très bref et fuyant. Tandis qu'Ivan Ludlow se découpe en ombre chinoise sur un fond kaléidoscopique coloré, on entend une déclamation à la Monteverdi, à la Liszt des Sonnets de Pétrarque ou sillabato, bref tant de citations stylistiques le temps de quelques mesures qu'on souhaiterait le réentendre une deuxième fois.
Alain Zürcher