Cendrillon (Viardot)
Opéra Comique • Paris • 17/04/2013
Mireille Delunsch (préparation musicale)
Thierry Thieû Niang (ms) Émilie Roy (d) Christelle Morin, Johanna Richard (c) Sébastien Böhm (l) |
|
La cantatrice Pauline Viardot vers 1860
Pierre Lanith Petit © Musée d'Orsay / rmn
Découverte en 2010 à l'auditorium du musée d'Orsay, cette Cendrillon y servait déjà au perfectionnement de jeunes chanteurs. Avec ses rôles nombreux et courts, elle est effectivement adaptée à cet usage. Comme écrit à l'époque, elle exige cependant des chanteurs aux moyens déjà maîtrisés. Les amis de Pauline Viardot qui ont créé l'oeuvre dans son salon n'étaient en effet pas les premiers venus, et certains rôles ont des exigences redoutables, par exemple la Fée qui doit avoir un médium très présent et une extension aiguë agile et brillante. C'est aussi ce qui caractérise l'air qu'elle chante en prologue, les variations sur Ah vous dirais-je maman d'Adolphe Adam, dont Magali Arnault Stanczak sait tirer tout le suc comique tout en répondant à ses sérieuses exigences.
Les chanteurs de l'Académie réunie par l'Opéra Comique convainquent davantage que ceux du CNSMDP en 2010. Chacun y garde son caractère, Safir Behloul chantant par exemple le chambellan Barigoule en ténor de caractère, ce qui contribue à la variété des couleurs de l'ensemble. Chacun apporte aussi ses talents, de danseur pour le susnommé, ou de comédien pour Ronan Debois, très présent et drôle en épicier annobli, avec d'intéressantes nuances chantées mais aussi parlées.
L'accomplissement musical est également remarquable dans les ensembles. Ceux de la partition comme ceux rajoutés en prologue sont très réussis, avec des voix parfaitement harmonisées, telles celles des deux soeurs de Cendrillon, Cécile Achille et Alix Le Saux. Chez Cécile Achille, on regrette juste les aigus un peu ouverts, mais sa diction comme sa gestion du médium et du passage en poitrine sont excellentes. Alix Le Saux est une séduisante "invitée", car l'Académie n'a étrangement pas recruté de mezzo dans ses rangs.
François Rougier comme Sandrine Buendia font entendre un style et une diction française d'une clarté remarquable. Marie Bunel offre sa voix et sa présence à la lecture de didascalies et d'extraits de la correspondance de Pauline Viardot. Elle trouve l'équilibre idéal entre chaleur et distance et nous fait entendre une voix sonore et posée, chose si rare chez une comédienne qu'elle en semble presque miraculeuse.
Thierry Thieû Niang a su mettre à l'aise cette troupe soutenue au piano par l'excellente Marine Thoreau La Salle. Si certaines tensions peuvent susciter des vibratos parfois excessifs dans les mélodies du prologue, chacun entre ensuite dans son personnage avec aisance et conviction. Le pari est ainsi gagné de faire sembler équilibrée et cohérente une oeuvre très disparate, patchwork musical aux exigences brèves mais redoutables. La trame sociale, essentielle pour Pauline Viardot, en est également bien rendue.
À voir les 18 et 19 avril à l'Opéra Comique, avec deux distributions en alternance, puis en tournée au Théâtre de Cornouaille - Scène Nationale de Quimper les 7 et 8 juin 2013.
Alain Zürcher