Écoutes de Spectacles

Le Petit Faust

Théâtre Déjazet • Paris • 17/01/2014
Orchestre des Frivolités Parisiennes
Julien Leroy (dm)
Pierre Girod, (direction du chant)
Rémi Préchac (ms)
Éric Destenay (sc)
Monika Mucha (c)
Houcine Pradinaud (l)
Marguerite  :  Céline Laly
Faust  :  Safir Behloul
Valentin  :  Arnaud Marzorati
Méphisto  :  Sandrine Buendia
coryphée  :  Johana Malewski
coryphée  :  Clémentine Decouture
coryphée  :  Clémentine Bourgoin
coryphée  :  Dorothée Thivet
coryphée  :  Emilien Marion
coryphée  :  Alejandro Gabor

Trente ans après la révolution baroque, portée par une génération d'artistes qui a fondé de nouveaux ensembles pour ré-interpréter le répertoire baroque de manière plus authentique, le mouvement se poursuit en direction du XIXème siècle. Si le XIXème "sérieux" a été abordé par certains baroqueux (tels Herreweghe, Gardiner ou Minkowski) comme un prolongement naturel de leur recherche d'un instrumentarium et d'un style adaptés à chaque époque, le très important répertoire léger du XIXème siècle, longtemps aussi méprisé que le répertoire baroque pour sa supposée facilité, sa superficialité, voire sa bêtise indigne de notre époque, est investi par de nouvelles troupes !
Cette création de nouveaux ensembles par de jeunes artistes est un phénomène au moins aussi important que la redécouverte de ce répertoire. Au lieu de chercher à intégrer des ensembles existants en passant sous les fourches caudines de leurs aînés, voici de jeunes diplômés qui se prennent en main, réussissent à s'unir, à se convaincre les uns les autres et à séduire les indispensables mécènes ! Avec les Frivolités Parisiennes comme avec l'ensemble Le Balcon à l'Athénée, on découvre en passant que la nouvelle génération est incroyablement douée, et que son talent se manifeste bien mieux quand elle se réunit par affinités dans un nouvel ensemble que quand elle se fond en ordre dispersé, chacun pour soi, dans des ensembles existants.

Après L'oeil crevé et le Caf' Conc' Hervé présentés il y a une bonne dizaine d'années à la Péniche Opéra, nous assistons donc ce soir à une oeuvre excellente excellemment mise en scène et interprétée ! Le Petit Faust est une des pièces les plus connues d'Hervé, dont on a toujours pu consulter le chant-piano en bibliothèque et dénicher le livret complet, ce qui n'est pas le cas de ses 130 ouvrages lyriques ! Génial précurseur d'Offenbach, le compositeur toqué (du nom d'une de ses oeuvres !) est à la fois organiste et compositeur de musique sacrée, professeur de chant dans un asile d'aliénés, ténor, compositeur d'opérettes et directeur des Folies Concertantes, ce même théâtre qui est devenu le théâtre Déjazet, seul survivant du boulevard du Crime !

Si Faust est un érudit maître d'école, Marguerite est une peu chaste séductrice : « Ma vertu va jusqu'à l'inconséquence, Peut-être un jour ira-t-elle plus loin ! ». Valentin et Méphisto ont également chacun leur interprète, mais les autres chanteurs endossent plusieurs rôles, sortant parfois de scène pour réapparaître immédiatement dans un autre costume. Hervé ne met pas en difficulté les chanteurs, qui maîtrisent bien son style et sa nécessaire bonne diction. Safir Behloul a déjà pu être apprécié à l'Opéra Comique, Arnaud Marzorati dans de nombreux spectacles novateurs autour de la musique baroque, du théâtre et de la chanson. Sandrine Buendia est percutante en Méphisto, avec sa voix chantée claire et nette, un peu à l'ancienne, et sa voix parlée plus grave.

La partition réserve de nombreux numéros désopilants, dont certains ajoutés depuis différentes sources. Très bon numéro de l'arrivée des militaires, amusant défilé de Marguerite anglaises ou italiennes, duo patriotique (!) de Faust et Marguerite sur "Vaterland", yodl sur "Troulaoulaou", mort de Valentin parodiant méchamment Gounod, sans parler des bretelles (!) du Roi de Thulé et de l'apparition d'un militaire au fond d'une soupière - appréciez la rime !

Toute la troupe danse des numéros très bien réglés, décors et costumes sont efficaces, l'orchestre à l'effectif fourni sonne très bien. On ne regrette que l'acoustique un peu étouffée du théâtre, qui nuit aux paroles des ensembles et donne envie de se débarrasser de ces rideaux noirs qui entourent la cage de scène.

À voir jusqu'au 26 janvier 2014 au Théâtre Déjazet.