King Arthur
Théâtre de l'Athénée • Paris • 07/02/2014
Ensemble BarokOpera Amsterdam
Frédérique Chauvet (dm) Sybrand van der Werf (ms) Studio Ruim et Mertie Tummers (c) |
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On adhère peu à peu à cette vision du King Arthur de Purcell et Dryden. Les musiciens aussi, d'abord anémiques et peu précis dans un tempo poussif, gagnent peu à peu en ensemble et en tonus.
Des extraits de la pièce de Dryden, qui en entier durerait quatre heures, ont été intégrés, alternativement en anglais et français. Étonnamment, ce mélange des langues fonctionne très bien, servi par la belle diction des interprètes. Il participe au "second degré", à la "distanciation" recherché dans l'interprétation. Sybrand van der Werf appelle cela le "jeu transparent", procédé qui serait très à la mode aux Pays-Bas. Au lieu de jouer son personnage, il s'agit de jouer à jouer, et de déclamer donc ses tirades sans avoir l'air d'y croire, ou parfois en faisant mine d'y croire avec une emphase trop visible. Tous restent sur scène en permanence, et donc "jouent" encore en allant se rasseoir ou en consolant un autre acteur. Comme chaque chanteur joue plusieurs personnages, cela lui épargne la difficulté de les incarner tous successivement de manière crédible. D'ailleurs, on ne sait plus trop qui est qui, sinon qu'un grand chapeau symbolise Oswald - à moins que ce ne soit Grimbald? Et qu'Emmeline, aveugle, porte un bandeau sur les yeux - bandeau qui est l'occasion de tout un amusant jeu scénique dans ce style "joué en montrant bien qu'on joue" ou "transparent".
Chaque chanteur se construit donc un personnage d'acteur au cours de la soirée. Dans une veine comique, Pieter Hendriks est désopilant ! Gunther Vandeven est le tendre jeune premier, Mattijs Hoogendijk le chauve viril. Les deux chanteuses sont moins définies mais jouent bien sûr de leur rivalité.
Vocalement, les voix sont claires et droites, avec un bon équilibre d'ensemble, et des ensembles justement très bien chantés. Wendy Roobol est un cristallin Cupidon, Pieter Hendriks un génie du froid sortant d'une malle - et y retournant ! Seul "décor", cette malle contient tous les accessoires du spectacle : épées, chapeau d'Oswald, bandeau d'Emmeline, et plusieurs voiles qui symbolisent des fleuves infranchissables ou peuplés de nymphes accortes. Cette production nous donne un échantillon du foisonnement shakespearien de l'oeuvre complète et de ses qualités théâtrales souvent très osées.
À voir jusqu'au 12 février 2014 au Théâtre de l'Athénée.
Alain Zürcher