Les Fêtes de l'hymen et de l'amour OC
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 11/03/2014
Hervé Niquet (dm)
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En cette année du deux-cent-cinquantenaire de la mort de Rameau, avant Platée et Castor et Pollux à l'Opéra Comique, le TCE présente Les Fêtes de l'hymen et de l'amour. Cette version de concert donne une première idée intégrale d'une oeuvre dont sont plus souvent donnés l'ouverture ou quelques jolis airs, par exemple en récital par Patricia Petibon ou Sabine Devieilhe. Il y manque bien sûr les ballets. La présence de l'orchestre sur scène et son jeu assez lourd et sonore compromet également l'équilibre avec les chanteurs, peu en confiance pour phraser avec subtilité. Leurs émissions vocales sont donc souvent assez laides et forcées, surtout en début de soirée. La dernière entrée est nettement plus réussie. Même le choeur, jusque là plutôt pâteux, y chante avec tonus et précision, dans une belle architecture d'ensemble. Avant cette conclusion, la direction d'Hervé Niquet a pu paraître confuse et le résultat brouillon. On a donc l'impression d'écouter une oeuvrette peu inspirée, tout en décelant ici et là le potentiel de tel air ou de tel passage orchestral, que l'on devine pouvoir devenir plus intéressant une fois dégagé de la gangue qui le ternit ce soir.
En l'absence de surtitres, la compréhension des paroles est variable selon les chanteurs. Mathias Vidal domine la distribution par une clarté vocale claironnante, une émission directe mais saine et naturelle qui lui permet une excellente prononciation. L'énergie et le sens qu'il engagent dans son phrasé sont toujours remarquables, donnant à toutes ses interventions un impact percutant. L'intelligence de son phrasé et ses intonations rappellent Jean-Paul Fouchécourt, mais avec un timbre plus ferme, moins plaintif. Reinoud van Mechelen, l'autre ténor de la distribution, bien contrasté de timbre, manifeste aussi de très belles qualités et est compréhensible. Alain Buet ne chante que quelques répliques sans problème, Tassis Christoyannis a par contre une émission d'abord étrange, inégale et forcée.
Chez les femmes, Chantal Santon a toujours le legato et la chaleur que l'on apprécie chez elle, mais aux dépens de la clarté des paroles. Blandine Staskiewicz ne trouve pas ici des rôles qui mettent en valeur ses talents, même si son air de la deuxième entrée, "Amour lance tes traits" est plus brillant - mais pour le coup un peu tendu pour elle. Jennifer Borghi a une émission forcée vers le nez et les lèvres, dans un rôle qui est peut-être trop grave pour elle ou qu'elle appuie trop en poitrine. Carolyn Sampson ne séduit pas de prime abord mais finit par convaincre par la régularité de sa ligne et de sa diction.
La distribution est donc relativement homogène mais réunit plutôt des "seconds choix" dans chaque rôle. Plus à l'aise après l'entracte, elle sera certainement valorisée par la prise de son radiophonique, qui rétablira l'équilibre avec l'orchestre et améliorera la compréhension des paroles. Percevra-t-on du coup les sentiments, les émotions, la fraîcheur, le sens qui semblent noyés ce soir dans une "soupe" peu structurée et peu convaincante?
À écouter sur France-Musique le 22 mars à 19h.
Alain Zürcher