Et le coq chanta
Théâtre de l'Athénée • Paris • 17/12/2014
Christophe Grapperon (dm)
Alexandra Lacroix (ms) Alexandra Lacroix et Mathieu Lorry-Dupuy (sc) Céline Perrigon (c) Anne Vaglio (l) |
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Les Passions de Bach se prêtent au jeu théâtral. Un ensemble homogène de jeunes chanteurs et musiciens s'en emparent ici pour en approfondir certains thèmes. Le reniement de Pierre, la trahison de Judas et la neutralité de Pilate sont ainsi différemment éclairés, dans le texte parlé de Saint-Luc puis la mise en musique par Bach des versions de Saint-Marc, Saint-Jean et Saint-Matthieu. Pour une meilleure compréhension ou pour enfoncer encore le clou (sic), la traduction française parlée est parfois superposée au texte allemand chanté.
Le risque d'une telle démarche est d'extérioriser à l'excès le sentiment intime transmis par la parole et déjà enrichi par la musique. Le résultat est souvent plus expressionniste qu'expressif. Chaque spectateur sera plus ou moins touché par cette démarche, de même que chaque évangéliste a écrit à une époque différente pour un public différent. Cette différenciation est revendiquée par l'équipe de ce spectacle mais est moins fortement perçue que l'effet de répétition. Nous avons droit à une succession de baisers de Judas, qui finissent par s'échanger entre tous les protagonistes ("Nous sommes tous des Judas"). La fin du spectacle bascule dans la folie. Auparavant, pour mieux nous toucher, Saint-Jean nous a invité à un repas d'anniversaire actuel, où Judas et Pierre jouent les fils de famille mal élevés.
Tout cela se prête à un jeu corporel et chorégraphique, travaillé avec plusieurs intervenants. Deux comédiens se mêlent aussi aux chanteurs. Les instrumentistes eux-mêmes, qui jouent sans partition, sont des acteurs sur scène. Tous sont mis à contribution pour chanter à bouche fermée et se joindre aux chorals.
Côté voix, le plateau est sans faille. Matthieu Lécroart nous régale de sa voix parlée profonde. Aurore Bucher est une soprano très incarnée, intense et bien connectée à son corps, loin du soprano enfant diaphane. Le timbre chaud de Théophile Alexandre nous offre un splendide "Erbarme dich". François Rougier est expressif et bien ancré. Sans oublier la très posée et prenante voix parlée de la comédienne Julie Dumas ! Nul doute que cette approche a au moins amélioré l'ancrage et la connexion physique des chanteurs.
À voir en tournée le vendredi 19 décembre 2014 au théâtre de Chelles (77), le vendredi 20 mars 2015 au centre des bords de Marne du Perreux-sur-Marne (94), le jeudi 26 mars 2015 à la salle Gramont du conservatoire de Puteaux (92), le samedi 28 mars 2015 à L'Orange bleue à Eaubonne (95), le jeudi 2 avril 2015 à La Coursive, scène nationale La Rochelle (17), le samedi 4 avril 2015 au théâtre de Fontainebleau (77).
Alain Zürcher