Contes de la lune vague après la pluie
Opéra Comique • Paris • 18/05/2015
Ensemble Linea
Jean-Philippe Wurtz (dm) Vincent Huguet (ms) Richard Peduzzi (sc) Caroline de Vivaise (c) Bertrand Couderc (l) |
|
De nombreuses fées se sont penchées sur le berceau de cet opéra : Opéra de Rouen Haute-Normandie, Fondation Royaumont, Opéra Comique, SACD, Arcadi Île-de-France, Fondation Arthur Honegger, Pro Helvetia, Fondation Beaumarchais... Le résultat est à la hauteur des moyens engagés. Visuellement, le spectacle est splendide, avec les beaux décors de Richard Peduzzi, les costumes drapés et les beaux tissus japonais choisis par Caroline de Vivaise et les belles lumières de Bertrand Couderc, renforcées par d'abondants fumigènes. Car il faut beaucoup de brouillard pour faire apparaître les fantômes qui hantent cette histoire !
Si cet écrin luxueux semble enchâsser une oeuvre et un jeu moins aboutis en début de la soirée, on entre vite dans l'oeuvre et on apprécie de plus en plus l'excellente caractérisation des personnages et le jeu très juste de chacun. Les lignes mélodiques ne choquent pas par leur originalité, mais elles permettent toujours de comprendre les paroles sur un tissu musical qui n'est jamais envahissant. Si Xavier Dayer ne frappe pas par une identité musicale très personnelle, il évite par contre aussi les clichés, les extrêmes et les paroxysmes gratuits souvent entendus dans la création lyrique contemporaine. Nombreuses percussions et vents expressifs rendent efficace le petit ensemble instrumental très bien dirigé par Jean-Philippe Wurtz.
Vocalement, nous entendons de belles voix bien différenciées et distribuées, graves pour le couple Genjuro/Miyagi, aiguës pour Tobe/Ohama, avec une superbe Luanda Siqueira en Princesse Wakasa, et l'intense présence de David Tricou qui incarne tous les personnages croisés par les deux couples sur leur chemin, avec une tessiture ambiguë de ténor aigu utilisant aussi son fausset. Aux chanteurs, on ne reprochera que des "i" souvent bouchés dans l'aigu, à moins qu'il faille reprocher au librettiste de les avoir placés là ! Ce dernier a tiré du film éponyme, chef d'oeuvre de Mizoguchi, une structure dramatique efficace. Quand on repense à la multiplicité des personnages, des actions et des lieux, on ne peut qu'être admiratif de la clarté obtenue, clarté qui respecte en outre le mystère et l'atmosphère fantastique indissociables de l'univers du film.
À voir jusqu'au 19 mai à l'Opéra Comique.
Alain Zürcher