Lucia di Lammermoor OC
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 27/05/2016
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Le TCE poursuit son intelligente politique d'inviter des productions scéniques pour une soirée en version de concert. Ayant lieu après les représentations turinoises (qui reprenaient d'ailleurs une production zurichoise), ce concert bénéficie d'une interprétation musicalement rodée et dramatiquement engagée.
Une salle comble de lyricomanes fidèles est venue applaudir un superbe plateau vocal. Diana Damrau est peut-être la meilleure titulaire actuelle du rôle de Lucia, qu'elle a d'ailleurs enregistrée à Munich avec certains de ses partenaires de ce soir. La passion latine sublimée par le romantisme pseudo-écossais ne lui est certes pas naturelle, mais elle déploie en Lucia une solidité vocale et technique stupéfiante. Si elle gomme à bon droit les suraigus ajoutés par maintes sopranos légères, elle les remplace par un intense dramatisme, un parfait legato et une palette dynamique incroyablement étendue.
À ses côtés, Piero Pretti est un formidable ténor. Il campe un Edgardo vaillant, homogène sur toute sa tessiture, entre des graves bien timbrés et des aigus faciles et pleins, avec une diction parfaite et une assurance technique remarquable. On le retrouvera d'ailleurs en Edgardo à l'Opéra de Paris à l'automne prochain. Gabriele Viviani est un Enrico musicalement plus fruste, mais vocalement sonore et scéniquement viril, ce qui est exactement le caractère de son personnage. Nicolas Testé est sobre scéniquement et excellent vocalement : que demander de plus en version de concert ?
Pour soutenir cette superbe distribution vocale, on pourrait rêver d'un orchestre plus précis et tonique, à la palette expressive plus large, qui nous fasse frémir un peu plus viscéralement face à cette histoire devenue exemplaire du romantisme, mais à ce titre particulièrement datée et potentiellement ridicule. Gianandrea Noseda nous offre tout de même le fascinant harmonica de verre souhaité par Donizetti !
Parmi les numéros attendus, deux airs de Lucia très maîtrisés, dont le fameux air de la folie, un beau duo entre Lucia et Edgardo, un sextuor très clair et équilibré, un duo très solide entre Edgardo et Enrico, et deux superbes airs d'Edgardo : un "Tombe degl'avi miei" clair et assumé avec bravoure puis un poignant "Fra poco a me ricovero". Avant même le rideau final, les applaudissements enthousiastes ponctuant chaque air ont dû ajouter une demi-heure à la soirée !
À écouter ultérieurement sur France-Musique.
Alain Zürcher