L'Île du Rêve
Théâtre de l'Athénée • Paris • 06/12/2016
Ensemble vocal Dionysos
Orchestre du Festival Musiques au pays de Pierre Loti Julien Masmondet (dm) Olivier Dhénin (ms,dr,sc,c) Nina Pavlista (chg) Anne Terrasse (l) |
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On retrouve avec grand plaisir, après un an de fermeture, un théâtre de l'Athénée tout pimpant, repeint de frais, climatisé et aux places plus confortables. D'autres améliorations ont été conduites côté scène.
Ré-orchestrée par l'irremplaçable Thibault Perrine, LÎle du Rêve est idéalement calibrée pour la salle. Elle l'est aussi par son style éclectique et plaisant, son charme qui ne s'embarrasse d'aucune considération sociologique ou politique. On respire enfin ! L'orchestration réduite souligne les lignes mélodiques et les harmonies caressantes de la partition, qui dans son classicisme nous fait miroiter ici un pastiche brahmsien mâtiné de "à Chloris", là bien sûr un peu de Lakmé mais pas tant que ça, plus loin quelques mesures du prélude de L'Or du Rhin... Si Reynaldo Hahn anticipe parfois des atmosphères maritimes entendues chez Jean Cras, son cadet de cinq ans, son écriture vocale évoque surtout celle de son professeur Massenet.
Est-ce pour cela qu'on entend en Enguerrand de Hys un futur grand Werther? Son émission calme et assurée est en même temps ardente, sa diction est claire avec un mordant qui ne rompt jamais la ligne.
Côté masculin, on retrouve aussi Ronan Debois avec une émission plus vieillie, en accord avec son personnage. Safir Behloul ne déploie dans le rôle un peu grave de Tsen-Lee qu'une partie de sa verve comique claironnante habituelle.
Les voix féminines sont jeunes, belles et prometteuses. Éléonore Pancrazi a du "coffre" sans forcer, une présence intense qui combine une articulation très claire et des graves magnifiques. Marion Tassou cherche d'autres couleurs plus tendres et chaudes, qui séduisent dans son personnage. La touche finale à la chaleur de son timbre et à son beau legato serait peut-être apportée par une posture et une coordination d'ensemble dont découleraient une respiration, un larynx et un menton plus bas. En dissociant et éloignant davantage gestion du souffle et articulation, ses paroles gagneraient en clarté et en portée.
Sur scène, panneaux, toiles et projections en transparence mêlent créations, peintures et photos noir-et-blanc des îles. Si certains costumes sont clairement "marins" ou "chinois", les vahinés sont certes couronnées de fleurs, mais vêtues de robes noires qui semblent vouloir casser volontairement toute possibilité de sensualité exotique, tout en s'ouvrant par devant un peu trop haut sur les seuls genoux des chanteuses, partie de leur anatomie qui n'est pas forcément la plus gracieuse. (Il s'agit cependant d'une reconstitution historique de costume féminin du 19e siècle !)
Cette production du festival Musiques au Pays de Pierre Loti, fondé à Rochefort par Julien Masmondet, nous fait goûter tout le charme d'une oeuvre de jeunesse de Reynaldo Hahn, composée à l'âge de 17 ans sur la base du deuxième roman largement autobiographique de Pierre Loti, "Le Mariage de Loti".
À voir jusqu'au 11 décembre au Théâtre de l'Athénée.
Alain Zürcher