The Lighthouse
Théâtre de l'Athénée • Paris • 25/04/2017
Philippe Nahon (dm)
Alain Patiès (ms) Laure Satgé, Valentine de Garidel (sc) Gabrielle Tromelin (c) Jean-Didier Tiberghien (l) |
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De Peter Maxwell Davies, on ne connaît guère en France que ses Eight songs for a mad king. Excellente raison d'aller voir ce spectacle, ou de découvrir sa riche production, largement enregistrée chez Naxos. Porté parfois à des expériences musicales extrêmes qui nous amènent loin de ses compatriotes Vaughan Williams ou Britten, Peter Maxwell Davies est aussi engagé socialement. C'est d'ailleurs un véritable Écossais qui s'est installé au début des années soixante-dix sur les îles Orcades au nord de l'Écosse, cadre qui a inspiré ses oeuvres et où il a fondé un festival de musique.
C'est dans un autre archipel écossais que se déroule The Lighthouse : les îles Flannan appartiennent aux Hébrides Extérieures, à l'ouest de l'Écosse. Elles sont inhabitées depuis l'automatisation du phare en 1971. En décembre 1900, ses trois gardiens ont disparu. Ce fait divers jamais élucidé a servi de base à Peter Maxwell Davies, également auteur du livret. Il y entrecroise l'audition des marins partis relever le phare, qui ont constaté son abandon, et les derniers moments des trois gardiens de phare, joués par ces mêmes marins de telle manière qu'on ne sait trop s'ils les rêvent ou s'y identifient.
Le thème de l'automatisation et du remplacement de l'homme par la machine est souligné par Alain Patiès dans ses notes d'intention, mais Peter Maxwell Davies traite surtout le thème du mal qui est en chacun de nous, et de la réponse tout aussi violente que lui oppose la religion quand elle fanatise. Parmi les gardiens, Arthur prêche inlassablement, brandissant la Bible contre le Démon et ses compagnons, qui préfèrent le jeu. Le symbolisme numérique du Tarot structure d'ailleurs l'écriture de Peter Maxwell Davies, et les protagonistes se répartissent les rôles du Roi, du Fou et du Diable.
Veau d'or biblique, la Bête mugit en corne de brume, ses yeux éblouissent comme une lanterne ou le phare lui-même dans la tempête. Pour s'occuper, les trois hommes chantent, occasion pour Peter Maxwell Davies d'intégrer la musique celtique traditionnelle à son oeuvre. Leurs paroles racontent-elles leur passé? Blaze est-il un meurtrier dès son adolescence? Les amours de Sandy étaient-elles si romantiques? Les fantômes nés des souvenirs de chacun prennent corps et les appellent au dehors, à moins qu'Arthur soit la main du dieu vengeur qu'il appelle. Abritant ou incarnant les fantômes de chacun, les brumes écossaises semblent plus pernicieuses encore que les flots déchaînés - même sans fumigènes ce soir à l'Athénée.
L'ensemble Ars Nova est excellent. Peter Maxwell Davis en sort des sons superbement étranges et sollicite beaucoup ses cuivres - le cor est même un personnage ! à côté des habitués Crapez et Dubois, on découvre avec plaisir la jeune basse Nathanaël Kahn.
La mise en scène d'Alain Patiès est efficace et respecte la neutralité du prologue voulue par Peter Maxwell Davis. Le décor est effectivement une scénographie, puisqu'il détermine des espaces de jeu très pertinents, que la lumière peut isoler et mettre en valeur en fonction des besoins.
À voir jusqu'au 28 avril au Théâtre de l'Athénée.
Alain Zürcher