à l'occasion de l'exposition Degas, le musée d'Orsay programme un luxueux concert : Anna Caterina Antonacci y est accompagnée par Julien Chauvin dirigeant son Concert de la Loge. Le programme évoque trois figures de chanteuses qui ont beaucoup compté dans la vie de Degas : sa soeur Marguerite, son amie Marie Dihau et la célèbre Rose Caron qu'il admirait. Orphée et Eurydice était son opéra préféré.
Très souvent appréciée dans ces pages, Anna Caterina Antonacci est toujours active sur les scènes internationales. Elle y chante plusieurs Suzanne (Il segreto di Susanna d'Ermanno Wolf-Ferrari, Sancta Susanna de Paul Hindemith), a créé La Ciociara de Marco Tutino et incarne fréquemment La Voix Humaine de Poulenc.
Le beau programme de ce soir semble cependant insuffisamment répété. Les réductions d'orchestre ne convainquent pas plus que les solos : flûte des Ombres heureuses, violoncelle sonnant bas et traînant... Dans Gluck, les césures systématiques avant de poser chaque dernier accord tapent vite sur les nerfs.
Anna Caterina Antonacci est un peu inégale. Si la rondeur de sa voix est toujours une qualité, elle l'élargit parfois trop - dès l'air d'Iphigénie en Tauride puis chaque fois que l'orchestre sonne plus fort. Elle perd alors la clarté du texte et la concentration sur le sens des paroles et du drame. Elle tente certes l'engagement dramatique qui lui est naturel, mais la structure éclatée d'un concert ne lui apporte pas le soutien nécessaire. Physiquement, elle n'est pas toujours assez présente dans son dos. Dans "Divinités du Styx" par exemple, elle se laisse aller en avant, un peu voûtée, ce qui l'affaiblit. Elle se retient certes de trop pousser sa voix, mais par une retenue volontaire qui semble la contraindre.
Le cycle de Chausson est donné dans une version pour quatuor à cordes et piano. Il convient bien à Anna Caterina Antonacci, qui n'est cependant totalement à l'aise et présente dans son texte que dans la mélodie la plus connue, "Le temps des lilas".
Alain Zürcher