La Princesse légère
Opéra Comique • Paris • 09/03/2018
Orchestre Ensemble Court-Circuit
Jean Deroyer (dm) Jos Houben, Emily Wilson (ms) Oria Puppo (dc) Nicolas Simonin (l) |
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L'Opéra Comique a inauguré cette saison un nouveau festival, destiné aux enfants à partir de 8 ans : Mon premier festival d'opéra. Après Le Mystère de l'écureuil bleu et une belle interprétation de My Fair Lady par les jeunes artistes de la Maîtrise Populaire de l'Opéra Comique dirigée par Sarah Koné, c'est la création parisienne de La Princesse légère de Violeta Cruz. Basé sur un conte, ce spectacle a tout pour séduire aussi les adultes !
La création de cette Princesse ayant été retardée d'un an pour cause de travaux, c'est une production déjà rodée à Lille qui nous est présentée. Elle y a certainement gagné en maturité. C'est ce qui frappe ce soir, du premier au dernier instant : la parfaite maîtrise de tous les éléments d'un spectacle pourtant complexe, qui aurait facilement pu tomber dans le bricolage hétéroclite. Tous les niveaux en sont au contraire miraculeusement synchronisés et harmonisés, dans le temps comme dans l'espace. C'est un vaste système, un petit univers qui est recréé, où tout bouge en permanence, mais avec toujours une respiration, un rythme juste - pas seulement pour ne pas ennuyer les enfants ! La scénographie, simplement qualifiée à l'ancienne de "décors" dans le programme, participe pour une fois complètement à l'action et au jeu : avec ses plans inclinés et ses paravents, elle est en permanence recomposée par les interprètes eux-mêmes. Des accessoires amusants y sont intégrés, comme une "balançoire" dans un plan incliné. Ces accessoires sont en outre musicaux : leur mouvement est capté et sonorisé par ordinateur. De même le costume de la sorcière évolue-t-il au fil de ses apparitions, vers une noire et lourde araignée qui inspire aussi sa démarche, jambes écartées et genoux à angle droit, évoquant un méchant de théâtre asiatique. Ce costume intègre lui aussi un impressionnant "instrument" sonorisé. Mais les costumes sont aussi visuellement superbes et structurellement inventifs !
Le jeu est très stylisé, ce qui facilite paradoxalement son assimilation par de jeunes interprètes dont on sent le profond travail en troupe. Chacun est mis en valeur en tenant sa juste place dans l'ensemble, et non en livrant une maladroite bataille d'egos. Cette capacité à s'investir dans d'exigeants projets en troupe est d'ailleurs la qualité la plus remarquable de la nouvelle génération d'artistes.
Le texte est souvent parlé, et donc presque toujours compréhensible. Chaque personnage a aussi un moment de chant, souvent assez direct, proche de la chanson. La musique non plus ne cherche pas à être spécialement "contemporaine" ni "facile" ni même "orchestrale". Les bruitages y sont aussi importants que les instruments, chaque élément s'agglomère au tout sans jamais relever du gadget. Le silence sert aussi à la respiration de l'ensemble. On ne s'ennuie jamais, mais on ne se sent jamais non plus agressé ou saturé. L'amplification est permanente mais jamais excessive.
Parmi les interprètes, on remarque particulièrement la présence scénique calme et protéiforme de Jean-Jacques L'Anthöen, fil conducteur de la soirée puisque de narrateur à la merveilleuse diction, il devient Prince, après avoir un moment joué le machiniste avec toujours le même naturel et une silhouette de Pelléas intemporel. On imagine d'ailleurs avec plaisir l'opéra éponyme de Debussy produit par la même équipe artistique !
À voir jusqu'au 11 mars à l'Opéra Comique.
Alain Zürcher