Stéphane Degout R
Théâtre de l'Athénée • Paris • 25/02/2019
|
Stéphane Degout aime varier les partenaires, et peut à son niveau s'adjoindre les meilleurs ! Quand on se souvient encore du choc poétique de la sortie des Préludes de Debussy par Alain Planès chez Harmonic Records en 1985, on comprend qu'Alain Planès soit le partenaire rêvé pour interpréter ce compositeur. Il a d'ailleurs depuis enregistré l'intégrale de son oeuvre chez Harmonia Mundi.
Mais c'est aussi Duparc et les autres compositeurs du programme qui sonnent royalement sous ses doigts ou plutôt sa pensée. Car on entend rarement, et chez les deux partenaires de ce soir, une telle maîtrise, une telle conduite du discours musical. D'aucuns trouveront peut-être que l'émotion manque parfois, tant est grand le respect de la partition et imperturbable sa réalisation ? Mais quelle clarté dans l'exposé, quelle évidence révélée dans chaque oeuvre, avec l'incroyable et rarissime combinaison d'une totale unité de l'ensemble du programme et d'une totale singularité de chaque pièce ! Chaque note, chaque syllabe, chaque inflexion est parfaitemment comprise et parfaitement rendue, en une démonstration magistrale qui impose de ce simple fait une présence et une interprétation inattaquables.
Tout juste Stéphane Degout connaît-il quelques petits problèmes de concentration dans l'une ou l'autre des mélodies de Fauré, alors même qu'il a choisi des tubes - peut-être justement "trop faciles" par rapport à ce qu'il accomplit dans Debussy ? Seule originalité, son choix, parmi les Mirages rarement interprétés du dernier Fauré et de la sensuelle Baronne de Brimont, de la mélodie Danseuse, pourtant pas la plus convaincante du cycle au premier abord. (Les curieux peuvent écouter une version de ce cycle orchestrée par Arthur Lavandier et interprétée par Le Balcon, avec au piano naturellement Alphonse Cemin, programmateur de ces lundis.)
Sans renoncer au volume de sa voix, qu'il dispense avec générosité mais parcimonie, seulement là où la nuance le requiert, Stéphane Degout gère mieux ce soir l'équilibre sonore et la finesse d'émission requis par l'univers de la mélodie. Sur quelque voyelle que ce soit et dans chaque nuance demandée, les aigus ne lui posent aucun problème. Le souffle non plus, puisqu'il supprime bien des respirations traditionnelles, voire notées dans les partitions. Que dire de plus ? Il suffit de se laisser porter par la musique, avant de sortir de la salle et de constater que notre pas et l'inscription de notre corps dans l'espace sont encore de Stéphane Degout et Alain Planès... ou des compositeurs qu'ils ont si bien servis !
En bis, Extase de Duparc, la Chanson Romanesque du Don Quichotte de Ravel et Diane, Séléné extrait de L'Horizon chimérique de Fauré closent une belle soirée.
Alain Zürcher