Le Docteur Miracle (Lecocq)
Studio Marigny • Paris • 27/09/2019
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Les Bouffes de Bru Zane nous font redécouvrir le Docteur Miracle de Lecocq, qui n'a rien à envier à celui de Bizet ! Les deux oeuvres sont issues d'un concours de composition organisé par Jacques Offenbach en juillet 1856. Le palmarès est brillant : Bizet et Lecocq sont couronnés ex-aequo ! Le livret imposé était en outre excellent, comme on peut le vérifier depuis !
On retrouve les chanteurs familiers de ce répertoire : l'abattage sans faille de Lara Neumann, idéale en femme fatale ayant déjà enterré quelques maris et qui ne pas fâchée d'en enterrer un de plus, David Ghilardi dans un rôle de soldat qu'il interprète très physiquement, bondissant entre les différents niveaux du décor, quoiqu'il ne doive la conquête de la fille du Podestat qu'à son uniforme ! Laurent Deleuil, à l'inverse, est un Podestat engoncé dans son énorme faux ventre. Makeda Monnet apporte sa jolie jeune voix et sa fraîcheur de jeu à la jeune Laurette.
Les voix de toute la troupe s'accordent à merveille, chacune avec son timbre et son style. Le génial Pierre Lebon utilise plusieurs de ses multiples talents pour développer comme rarement la caractérisation de ses personnages, et offrir à chacun une heure de jeu quasi ininterrompu, commençant en pantomime puis se développant avec fluidité à travers tous les arts - comiques ou tendres. Son décor est une structure très efficace qui permet au jeu de se développer en trois dimensions. Les mouvements et postures sont chorégraphiés comme en prolongement de ce décor. Les costumes sont rouges et caricaturaux, les maquillages aussi. Les grimaces, contrepoints et aparte sont permanents, sans pour autant que cette surcharge ne détourne du propos principal, lequel est il est vrai toujours assez mince et compréhensible.
Librettiste et compositeur ont déjà poussé à bout des thèmes aussi ridicules que l'omelette, qui fait l'objet d'un truculent quatuor, lui-même déployé par Pierre Lebon en jeux de scènes hénaurmes. Les effets de lumière, découpant dans la pénombre les personnages et leurs couleurs flamboyantes, sont magnifiques. Mais Lecocq sait aussi composer de très beaux passages lyriques et tendres, comme le duo "Dans mes bras je presse", ou le plus court passage en duo "Plus de colère".
Avec son seul piano droit, Martin Surot crée un climat très convaincant. Est-ce le Bourgeois Gentilhomme de Lully qu'il cite ?
Un très bon moment de théâtre !
Du 26 au 29 septembre 2019 au Studio Marigny.
Alain Zürcher