Écoutes de Spectacles

Les Bains Macabres

 • Paris • 04/02/2020
Orchestre des Frivolités Parisiennes Choeur Les Éléments Chef de choeur Joël Suhubiette
Arie Van Beek (dm)
Florent Siaud (ms)
Philippe Miesch (sc,c)
Nicolas Descôteaux (l)
Célia Verdier  :  Sandrine Buendia
Mathéo  :  Romain Dayez
Nestor Gobineau  :  Fabien Hyon
Miranda Joule  :  Anna Destraël
Prosper Lampon  :  Geoffroy Buffière
Aristide Nubret  :  Nicolas Certenais
les curistes  :  Benjamin Mayenobe, Jérémie Brocard, Benoît-Joseph Meier


L'Athénée offre son bel écrin à une pièce qui s'inscrit parfaitement à la croisée de sa programmation légère et contemporaine. Les Bains Macabres sont une commande conjointe de l'ensemble Les frivolités Parisiennes, dans la fosse ce soir, et du Théâtre Impérial de Compiègne, où l'oeuvre a été créée le 24 janvier.

Il s'agit du premier livret d'Olivier Bleys et du premier opéra de Guillaume Connesson. La trame en est nourrie par la bande dessinée et le cinéma. Le réseau internet y est étendu jusqu'à l'au-delà. L'humanité y est grotesque, intéressée ou mal dans sa peau. Autant de marqueurs de notre temps que la musique contredit en nous plongeant dans un bain symphonique aux nuances multiples mais toutes datées d'un siècle. On croit d'entrée de jeu voir apparaître la caravane de Mârouf, savetier du Caire de Rabaud, avant d'être bercé par de mièvres phrases à la Reynaldo Hahn, subjugué par d'inévitables références au Pelléas de Debussy, tenu en haleine par la bande son d'un film hitchcockien... Toute la musique française des deux premiers tiers du siècle dernier défile en un permanent fondu-enchaîné, mais c'est la veine mélodique de Poulenc, voire son esprit, qui traverse toute la partition.


Il est étonnant que ce qui se présente comme un opéra comique du XXIe siècle se détache si peu des modèles du siècle précédent, mais il est tout aussi étonnant de constater avec quel talent l'excellent musicien Guillaume Connesson digère et régurgite tout ce matériau musical. Une telle maîtrise est après tout exigée quotidiennement de la part des chanteurs qui ré-interprètent indéfiniment les oeuvres vocales du passé, mais elle est plus rare chez un compositeur. Ses talents d'orchestrateur lui permettent d'exploiter les riches possibilités de nombreux cuivres, d'une harpe, d'un synthétiseur et même d'une machine à écrire. Ces deux derniers caractérisent la modernité des réseaux informatiques avec le même caractère rétro que la musique.


Les 37 musiciens des Frivolités Parisiennes donnent corps à cette matière orchestrale sonore et expressive. Présents et attentifs aux climats divers de l'oeuvre, ils en offrent sous la claire baguette d'Arie Van Beek une lecture lisible et chatoyante.

Le livret d'Olivier Bleys est plaisant et efficace, comme la scénographie et les costumes de Philippe Miesch. Ce dernier nous propose une fois de plus un ingénieux dispositif sur deux niveaux, que le sujet justifie : au rez-de-chaussée les Bains, le studio de Célia et le commissariat, à l'étage l'Olympe des trucidés. Les deux univers partagent d'ailleurs la même blancheur vaporeuse. Florent Siaud y dirige burlesquement ou poétiquement une distribution homogène et de bon niveau. Le frais épisode balnéaire et gymnique du début n'est finalement qu'une fausse piste, et si la pièce reste ensuite burlesque, ce sera un burlesque plus glauque. Les lignes vocales les plus lyriques se terminent d'ailleurs souvent en queue de poisson, sur une transition triviale ou une phrase parlée.


La soprano Sandrine Buendia est Célia, l'employée dynamique et compatissante, l'élégant baryton Romain Dayez son fiancé post-mortem, Fabien Hyon l'entreprenant propriétaire des Bains, Nicolas Certenais un sonore Aristide. Le rôle d'Anna Destraël n'est pas très caractérisé en commandante de police, mais son subordonné Geoffroy Buffière est particulièrement bouffe. Les Curistes et Spectres du choeur Les Éléments campent à merveille leurs personnages. Ils créent aussi de belles atmosphères vocales, maritimes ou spectrales, dont des projections vidéo renforcent le caractère suggestif.

À voir jusqu'au 6 février 2020 au Théâtre de l'Athénée.