Simon Boccanegra
Opéra Bastille • Paris • 27/11/2002
Orchestre et Choeurs de l'Opéra National de Paris
Pinchas Steinberg (dm) Nicolas Brieger (ms) Gisbert Jäkel (d) Nicole Géraud (c) Konrad Lindenberg (l) |
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Très belle soirée "à l'ancienne" pour cette dernière ! Décors insignifiants mais pas gênants, excellent jeu dramatique, orchestre attentif et souple collant au drame, belles voix mais surtout chanteurs incarnant idéalement leurs personnages !
Comme dans toute réussite d'ensemble, il est très difficile et pas forcément pertinent d'isoler telle ou telle performance individuelle. Saluons quand même Verdi et son librettiste pour cette oeuvre moins jouée que d'autres mais d'une excellente tenue dramatique et musicale ! Même l'utilisation de toutes les ficelles habituelles du librettiste et du compositeur passe beaucoup mieux et touche plus spontanément, quand chaque air n'est pas devenu une "scie" !
Que ce soit le fait de Nicolas Brieger, auteur de la mise en scène, ou d'Alejandro Stadler, auteur de la reprise de cette saison, la direction d'acteurs est solide et le métier de chacun fait le reste.
Les costumes semblent situer l'action à l'époque de Verdi, à l'exception du Doge qui porte une sorte de robe de brocart élimée qui lui donne un petit air anachronique convenant bien à ce personnage plutôt atypique et isolé au milieu des complots qui se trament autour de lui - et qui l'ont porté au pouvoir.
Mieux vaut ne pas s'attarder sur les décors, qui créent cependant des espaces de jeu corrects.
La direction musicale de Pinchas Steinberg et l'équilibre fosse/plateau sont idéaux, l'écriture orchestrale de Verdi laissant entendre les timbres instruments individuels et respirer les voix. La moitié du niveau sonore de la Turandot du 23/11 n'est atteinte que lors d'une scène de foule.
Tous les chanteurs se sont montrés remarquables après un court échauffement de quelques minutes et ont encore gagné en intensité vocale et dramatique au cours de l'ouvrage. Vassili Gerello confirme sa solidité avec une émission très saine et non grossie. Juan Pons a donné du Doge un portrait très crédible, y compris à travers quelques fatigues du timbre. Ferruccio Furlanetto a terminé sur un troisième acte d'anthologie qui lui a valu l'ovation d'un public moins atone que d'habitude. Barbara Frittoli a séduit d'un bout à l'autre.
Vincenzo La Scola est le seul à avoir encore une bonne dose de travail technique à effectuer pour donner toute la mesure de ses moyens. La voix est légère mais pas inadaptée à ce rôle. Au contraire, il lui manque un peu de mécanisme léger dans l'émission des aigus, qui, combiné à une bonne ouverture et une bonne détente du conduit vocal et à un appoggio profond et stable, donnerait à sa voix bien plus de liberté et de rayonnement. Son émission un peu lourde du haut-médium et de l'aigu conduit au contraire à des sonorités nasales et ouvertes ainsi qu'à un phrasé un peu heurté.
Alain Zürcher