La Cambiale di Matrimonio
Opéra • Massy • 30/11/2002
|
Excellent spectacle ! Comme le Don Pasquale donné y a deux semaines, La Cambiale di Matrimonio est un choix idéal : l'Opéra de Massy (en coproduction avec Dijon) a les moyens exacts pour tirer le meilleur de telles oeuvres.
La distribution est encore plus cohérente et l'orchestre, placé sous la direction de son chef titulaire Dominique Rouits, semble trouver un net surcroît de vitalité et d'homogénéité. L'oeuvre de jeunesse de Rossini en acquiert une vigueur et une qualité de construction qu'on ne lui connaissait pas !
Les récitatifs italiens ont été remplacés par des dialogues parlés français largement modernisés, entreprise toujours périlleuse mais ici pleinement réussie. On ne sait que louer le plus, la qualité de l'écriture, celle du jeu des chanteurs ou celle de leur voix et diction parlées !
Vocalement comme dramatiquement, chaque personnage est convaincant. On peut juste être surpris par la technique vocale très française, "à l'ancienne" mais pas dans le meilleur sens du terme, que partagent Isabelle Philippe et Anne Barbier.
Si la voix parlée d'Anne Barbier est plutôt grave et chaude, son timbre chanté en semble largement déconnecté, avec une couleur claire et un faible engagement du corps et du souffle, et donc peu de legato. Peut-être le rôle ne lui convient-il simplement pas vocalement?
Le plus étrange est d'entendre la même couleur vocale chez Isabelle Philippe, que l'on a déjà pu entendre cette saison dans le difficile rôle de Dinorah à Compiègne. S'agit-il alors d'un choix esthétique des responsables de la production? Le professeur Paul Lohmann aurait appelé cela un "heller Knödel", désignant une émission avec le larynx haut, non exempte de tensions, pouvant évoluer en "grelot", dont la couleur claire est accentuée chez Isabelle Philippe par une ouverture très latérale de la bouche et un raccourcissement du résonateur buccal qui peut être adapté à l'émission de l'extrême aigu mais ne devrait pas être conservé dans le médium si l'on ne souhaite pas lui donner cette couleur un peu caricaturale de voix d'opérette, équivalent féminin de ce que Richard Miller nomme plaisamment le "ténor Bugs Bunny".
Alain Zürcher