Il Barbiere di Siviglia
Opéra Bastille • Paris • 15/01/2003
Orchestre et Choeurs de l'Opéra National de Paris
Jesus Lopez-Cobos (dm) Coline Serreau (ms) Jean-Marc Stehlé et Antoine Fontaine (d) Elsa Pavanel (c) Geneviève Soubirou (l) |
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Cette très agréable mise en scène à la mode "arabo-andalouse" bénéficie d'un Figaro d'anthologie en la personne du décidément formidable Vassili Gerello, entendu récemment dans Simon Boccanegra. Sa vitalité et son abattage emportent à sa suite un plateau qui en son absence aurait pu être quelque peu anémique... et un orchestre fort peu idiomatique ni inspiré.
Les spectateurs de la seconde distribution feront d'ailleurs bien de prêter attention à Sergei Stilmachenko en Fiorello, qui a déjà témoigné au Centre de Formation Lyrique de la Bastille de qualités fort voisines de celles de Vassili Gerello.
L'ouverture de ce Barbier est la plus mauvaise que j'aie jamais entendue ainsi que la plus mauvaise ouverture que j'aie entendue à l'Opéra Bastille depuis la sienne ! Jesus Lopez-Cobos a pourtant déjà brillé dans cette oeuvre et Rossini n'est pas un étranger pour l'orchestre ! Mais ce soir, c'était un très mauvais compromis entre un tempo anémique, choisi comme pour pallier un manque de répétitions, et quelques traits grotesquement allégés et savonnés, pour faire un peu "authentique" malgré tout. Des instruments solistes cacophoniques pataugaient dans une absence totale d'élan et d'architecture d'ensemble.
Le décor arabo-andalou surprend par son austérité initiale, la maison de Bartolo étant plantée aux confins d'un désert, mais séduit tout de suite après et fonctionne à merveille. L'extérieur austère d'un palais pivote vers un intérieur luxueux puis un jardin en terrasse.
La direction d'acteurs est bonne, même les choristes étant bien caractérisés et individualisés. Les situations et les personnages ne sont cependant pas du tout poussés à bout, et si on ne s'ennuie pas et n'est jamais choqué, on peut se demander si ce spectacle ne serait pas trop tiède en l'absence d'un Figaro de la trempe de Vassili Gerello.
Le côté bouffe est en particulier sous-exploité, scéniquement mais aussi vocalement.
Du fait peut-être de la dimension de la salle, l'émission de Bruno Pratico n'est pas une émission bouffe, de même que son jeu n'est pas un jeu bouffe.
Basilio lui-même n'est pas outré, et vocalement Peter Rose n'a pas le "creux" que l'on peut attendre dans ce rôle.
Vivica Genaux n'en fait pas des tonnes non plus en Rosina, sauf avec l'articulation affolante de sa bouche. (à ce jeu, Cecilia Bartoli est battue à plate couture, ce qui n'est pas peu dire !)
Si Vivica Genaux commence par une émission excessivement tubée, elle la fait rapidement et étrangement alterner avec une émission trop claire, parfois à la limite de l'éraillement. Si son embouchure ne semble pas forcément trop latérale, sa forte dentition lui impose-t-elle un tel jeu d'articulation labiale? On observait déjà chez certaines chanteuses des vibratos se communiquant à la langue, mais il est plus rare et étonnant d'observer un vibrato des lèvres, et l'on ne peut s'empêcher de penser qu'il doit y avoir un équilibre plus naturel à trouver dans l'émission !
Bruce Fowler, qui par prudence ou pour se mettre en voix nasalise trop son entrée, peut et doit gagner en aisance, certaines notes étant retenues. Sa pleine voix de tête n'a pas encore la couleur et la liberté que l'on attend d'un Almaviva.
Alain Zürcher