Eugène Onéguine
Théâtre du Châtelet • Paris • 04/02/2003
Orchestre et Choeurs du Théâtre Mariinski de Saint-Pétersbourg
Valery Gergiev (dm) Patrice Caurier et Moshe Leiser (ms) Christian Fenouillat (d) Agostino Cavalca (c) Christophe Forey (l) |
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Étonnant contraste entre cette soirée et celle de la veille !
L'orchestre et la direction sont moins fascinants que dans le Démon, car les orchestres français rendent déjà bien justice à une oeuvre aussi occidentale et légère qu'Eugène Onéguine. L'orchestre du Mariinski réussit parfaitement à alléger sa texture et à ne jamais couvrir les chanteurs.
La distribution est très homogène, sans les grandes voix nécessaires pour rendre justice au Démon. Ici, dans cette oeuvre qui semble par comparaison de "chambre", chacun a le type et les moyens exacts de son personnage, aucun rôle n'étant sur-distribué. On en retire moins d'exaltation purement vocale, mais malgré les longs changements de décor entre chaque scène, on est tenu sous le charme des mélodies de Tchaïkovski et de son utilisation efficacement morbide des bois solistes, qui font peut-être d'Eugène Onéguine l'opéra le plus déprimant du répertoire !
La direction d'acteurs de Patrice Caurier et Moshe Leiser est supérieure à celle de Lev Dodin mais reste très conventionnelle.
Les décors sont presque aussi bon marché, avec d'horribles panneaux couleur crème (années 70?) qui occupent hélas la majeure partie du champ visuel. Le minimalisme des décors n'est pas en cause, mais plutôt le goût de leur réalisation !
Les lumières souffrent toujours de ne pas utiliser les projecteurs de salle, en raison sans doute de leur inexistence au théâtre Mariinski. Comme dans le Démon, on a droit un peu trop souvent à un gros projecteur latéral côté jardin, tandis que les chanteurs sont dans la pénombre dès qu'ils gagnent l'avant-scène.
Vladimir Moroz (bien nommé pour incarner Onéguine !) a une voix un peu empâtée, "cravatée" (émise menton un peu rentré dans le cou) mais a l'âge du rôle et donne une image convaincante d'Onéguine.
Irina Mataeva est bien mise en valeur par le rôle de Tatiana, mais il ne faudrait pas qu'elle se risque déjà à des rôles plus lourds.
Evgueni Akimov a un timbre plaintif qui correspond bien à son personnage.
Mikhaïl Kit sonne un peu usé ce soir en Grémine.
Le numéro de Triquet va bien sûr comme un gant à Jean-Paul Fouchécourt.
Au total, une soirée beaucoup moins excitante que la découverte du Démon, mais à laquelle on ne trouve non plus aucune réelle faiblesse.
Alain Zürcher