Il Trovatore
Metropolitan Opera • New-York • 12/02/2003
Orchestre et Choeurs du Metropolitan Opera
Frédéric Chaslin (dm) Peter McClintock (ms) Wayne Chouinard (l) |
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L'impression d'ensemble est celle d'un retour aux sources belcantistes de cet opéra. Mise en scène, décors et costumes étant parfaitement insignifiants, le spectateur peut et doit se concentrer sur le chant et son très bel accord avec un orchestre étonnamment léger et clair.
Les tempi sont excellents et la direction précise et énergique, surtout pendant les deux premiers actes, les deux derniers étant un peu amollis. L'orchestre joue avec un ensemble parfait et ne couvre jamais les chanteurs. L'équilibre acoustique entre la fosse et le plateau est très étonnant, l'orchestre sonnant beaucoup moins fort qu'à l'Opéra Bastille et les chanteurs par contre beaucoup plus clairs et présents, même (ou surtout) du Balcon.
Marina Mescheriakova, déjà appréciée dans Le Démon au Châtelet la semaine passée, met pleinement en application la conception belcantiste de l'ouvrage, avec une très belle maîtrise technique et stylistique. Toutes ses voyelles ne sont certes pas absolument en ligne, en particulier certains [e], et certains aigus finaux sont un peu étranglés, un peu trop ouverts en "pavillon", manquant d'espace dans le haut du pharynx. Elle a pourtant la capacité technique de faire "flotter" davantage ces notes, en osant peut-être simplement plus de légèreté du point de vue de l'émission vocale et plus de détente des parois des résonateurs, mais avec un soutien du souffle mieux maintenu jusqu'à la fin de ses phrases.
Dimitri Kavrakos chante de manière grossie au début puis à nouveau lorsqu'il réapparaît, mais s'améliore ensuite. Il est dommage de ne pas arriver sur scène mieux chauffé pour chanter un rôle aussi court.
L'émission excessivement fruste, rude et directe de Roberto Frontali en fait le contraire d'un belcantiste. Sa tendance à "aboyer" se justifie peut-être lors de sa première intervention belliqueuse, mais pas en permanence. Son air est chanté nettement bas.
Franco Farina est doté d'un timbre peu séduisant et souvent nasal qui ne se fond pas bien avec celui de Marina Mescheriakova, mais il met un point d'honneur à exécuter de beaux "messa di voce".
Irina Mishura est superbe. Elle ne surjoue pas la "sorcière" et ne force pas le trait. Les registres de tête et de poitrine sont bien utilisés, l'émission de "poitrine" n'étant jamais portée trop haut. Quelques notes aiguës sonnent très acides, un rien criées, mais l'ensemble est magnifique de pureté et de richesse. Le style est impeccablement sobre.
Dans sa mise en scène, Peter McClintock s'est acharné à mettre en valeur les ridicules et incohérences du livret, faisant jouer en pleine lumière la scène où Leonora confond Manrico et le Comte, plaçant en pleine visibilité les personnages censés se cacher ou laissant plantés sur scène côte à côte des personnages et soldats censés être des ennemis, sans que rien dans leur jeu ne le traduise.
Peter McClintock semble être aussi l'auteur du décor minimaliste constitué surtout de grands panneaux, très flatteurs pour les voix mais n'apportant aucune indication de temps ni de lieu. Tout le spectacle repose donc sur les chanteurs et l'orchestre.
Les choeurs sont beaucoup plus clairs et légers que ceux de l'Opéra de Paris. On en comprend chaque mot, ce qui n'est pas désagréable.
Alain Zürcher
La salle
Alain Zürcher
La salle
L'acoustique comme la vision sont excellentes du bas du "balcony". Bien qu'accueillant 1000 spectateurs de plus que l'Opéra Bastille, la salle ne semble pas plus grande et donne une impression bien meilleure de proximité. Elle transmet des vibrations très pures avec une magnifique clarté. Le son y est moins chaud qu'au Palais Garnier parisien mais presque aussi excitant. Aucun élément ne semble y dévier, atténuer ou renforcer le son. La salle est grande mais plus "compacte" que Bastille.
Il vaut mieux éviter les balcons inférieurs au-delà du deuxième rang, car ils se trouvent sous les balcons situés au-dessus d'eux, avec un plafond très bas.
Les côtés accueillent des balcons séparés moins symboliques que ceux de Bastille. Ils sont inclinés vers la scène et des chaises permettent d'y choisir son angle de vue.
Le fond de l'orchestre et de certains balcons accueille des places debout.
Des boiseries garnissent les côtés de la salle à tous les étages mais les fauteuils sont en mousse et le sol est largement moquetté. La conception acoustique semble donc plus simple que celle de Bastille mais finalement plus efficace. La pente des balcons est toujours idéalement calculée.
La classique dominante rouge et le plafond doré vaguement byzantin donne plus de chaleur à la salle qu'à son homologue parisienne. Les halls et escaliers de moquette et velours rouges sont très agréables. L'absence de fumée permet de déambuler pendant l'entracte.
Les sous-titres doivent être lus en haut du dossier du fauteuil de devant ou sur d'autres supports en fonction des places. Ce système oblige à des accomodations répétées de la vue à des distances très différentes ainsi qu'à des mouvements de la tête au moins aussi importants que ceux requis par les sur-titres parisiens, sauf peut-être pour certaines places d'orchestre - celles occupées par les critiques?
On pourrait croire que ce système individuel permet au moins à chacun de choisir sa langue d'affichage mais non, seul l'anglais est offert, sans aucune option.