Stabat Mater de Vivaldi O
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 17/05/2004
Giovanni Antonini (dm)
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Ce concert clôt brillamment le remarquable cycle Vivaldi produit par Jeanine Roze au théâtre des Champs-Élysées. Il prouve aussi l'intérêt d'employer dans ce répertoire une chanteuse dotée d'une voix et d'une technique solides ainsi que d'un tempérament dramatique. Sans doute est-il alors aussi plus facile aux membres du Giardino Armonico d'avoir un son plein et individualisé. Jouer debout les concertos y contribue aussi. La clarté d'articulation comme la richesse de timbre et la variété de phrasé de l'ensemble sont superbes.
Sonia Prina, déjà entendue dans Orlando Finto Pazzo, est une chanteuse intensément physique. Lors de son entrée pour interpréter le Stabat Mater, sa robe et son attitude surprennent d'abord, avant que son chant ne séduise et convainque. Ne peut-on pas imaginer la scène racontée par Marie-Madeleine?
Sa voix chaude est bien conduite et jamais forcée. Les tempi lents choisis avec Giovanni Antonini lui permettent de manifester son expressivité et la perfection de son legato, même si le tempo extrême du Cujus animam l'oblige à intercaler des respirations. Ses tenues finales sont toujours bien soutenues, "sur le souffle".
On peut certes toujours lui reprocher de grossir son grave en cassant la nuque et en rentrant donc le menton dans la poitrine. Son premier bis ("Fammi combattere" de l'Orlando de Haendel) pourrait ainsi gagner en brillant sans perdre en profondeur de connexion.
Pour établir cette connexion, Sonia Prina a recours à des mouvements de "culbuto", basculant de côté et d'autre tout en conservant une bonne relation entre son bassin et sa tête. Le résultat est efficace mais ces mouvements pourraient sans doute être minimisés. On ne peut en tout cas pas lui reprocher de ne pas chanter avec tout son corps, et si l'écoute de certains chanteurs donne mal à la gorge, l'écoute de Sonia Prina donne plutôt mal aux cuisses ! Si son attitude de lutteuse peut surprendre, elle a le mérite de montrer que le chant classique requiert un engagement physique total.
Ses passages vocalisants ne quittent du coup jamais son soutien. Jamais articulés plus haut que le diaphragme, ils restent ancrés jusqu'au bassin et à travers lui jusqu'au sol. La reprise da capo de son deuxième bis ("Empio, dirò, tu sei" de Giulio Cesare de Haendel) est un merveilleux exemple de cet ancrage.
Sonia Prina se déchaîne enfin dans une reprise de l'air "Nell'orrido albergo" de la cantate "Cessate, omai cessate" - et l'orchestre avec elle, en de saisissants effets de grincement. Une conclusion très excitante pour un concert où chanteuse et orchestre ont osé rivaliser d'engagement et extraire de chaque oeuvre tout son potentiel expressif !
Alain Zürcher