L'Infedeltà Delusa
Kammeroper • Vienne • 25/05/2004
Orchestre du Wiener Kammeroper
Daniel Hoyem-Cavazza (dm) Peter Pawlik (ms) Cordelia Matthes (d) Harry Michlits (l) |
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photo © Klinger & Husar
L'Infedeltà Delusa est un des opéras les plus intéressants de Haydn, compositeur qui n'occupe toujours pas la place qu'il mérite sur les scènes lyriques. Ses oeuvres, quitte à y pratiquer des coupures, sont souvent idéalement adaptées à des ateliers lyriques et opéras de chambre.
Le Kammeroper offre un magnifique écrin à de jeunes chanteurs extrêmement doués, attirés à Vienne sans doute autant par la réputation musicale de la ville, les formations offertes et les possibilités d'engagement dans les théâtres de la ville et de l'Europe germanophone. Les dimensions réduites de la salle mettent en valeur le remarquable travail de troupe effectué par les chanteurs mais aussi l'orchestre.
Sous la direction alerte de Daniel Hoyem-Cavazza, l'orchestre allie un grand naturel et une grande précision. Les instruments modernes n'ont pas la lourdeur qu'ils peuvent avoir pour accompagner Die Zauberflöte au Staatsoper, et ni chanteurs ni instrumentistes ne relâchent la tension dramatique tout au long de la soirée.
La mise en scène proposée par Peter Pawlik est une option possible, radicale, mais qui fonctionne. Il est amusant de la voir donnée face à un public plutôt bourgeois et âgé, qui semble mieux l'accepter que dans les grandes maisons, même s'il y a quelques départs à l'entracte.
Le décor de Cordelia Matthes est constitué par une cage métallique. Les lumières de Harry Michlits créent des atmosphères différentes, assez kitsch, sans rapport littéral avec l'action. Le livret lui-même est interprété dans une sorte de "degré zéro". Par exemple, si Vespina est censée se déguiser en vieille femme, elle va enfiler un costume de pingouin en fourrure synthétique; avant de chanter "Ho un tumore", elle va fumer une cigarette; pendant que le père chante "Son tuo padre e vò cosi", il caresse la poitrine de sa fille; quand Vespina parle de son coeur, elle astique une pièce de viande, vêtue d'un tablier de boucher, et passe sinon la plus grande partie de son temps à astiquer les barreaux de la cage; quand Sandrina doit être déposée à terre, Nencio enfile un gilet fluorescent et guide ses porteurs comme un avion sur une piste d'atterrissage.
Le jeu très physique des acteurs est une succession de poses et de mouvements outrés. Chacun est alternativement dans la cage, à l'extérieur, dessus ou accroché aux barreaux.
Les pitoyables fauves humains de cette ménagerie sont habillés de pyjamas bleu layette, marqués "Haustenor 1", "Haustenor 2"... Par dessus ces pyjamas, chacun va à son tour enfiler un autre costume - pas pour autant plus adapté à la situation !
Philip David Zawisza a une très bonne voix.
Roman Sadnik joue bien le père intéressé. Il chante d'abord ses aigus un peu ouverts puis s'améliore au fil de la représentation. Au second acte, "Tu sposarti alla Sandrina" révèle et met en valeur la nature dramatique de sa voix.
Claudia Guarin est une superbe mozartienne, à l'excellente technique de soprano aiguë mais pas fondamentalement légère.
Judith Halász a une voix charnue et fruitée. Si elle est moins compréhensible que Claudia Guarin, c'est aussi une bonne mozartienne, qui vocalise bien et poitrine bien ses graves.
Jeune premier mozartien, Kirilianit Cortes ne force jamais sa voix. C'est un très prometteur ténor lyrique léger, que l'on imagine déjà marcher sur les traces de Juan Diego Flórez.
Alain Zürcher