Christine Schäfer R
Auditorium du Musée d'Orsay • Paris • 10/05/2005
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Le petit auditorium du Musée d'Orsay était étonnamment aux trois-quarts vide pour cet intéressant récital, malgré une saison parisienne particulièrement pauvre. Christine Schäfer n'a-t-elle pas pourtant séduit, cet automne, par sa brillante interprétation de l'Ange du Saint-François d'Assise de Messiaen à l'opéra Bastille? Dès 1997, on avait pu admirer son Pierrot Lunaire au Châtelet, sous la baguette de Pierre Boulez.
Le programme de ce soir, éclectique comme le répertoire de Christine Schäfer, fait se succéder trois compositeurs on ne peut plus différents. Seuls les vers de Verlaine mis en musique par Debussy justifient l'inclusion de ce récital dans le cycle "Rimbaud Verlaine" du Musée d'Orsay, mais peu importe. Christine Schäfer et Eric Schneider réussissent à nimber les trois dans un même halo poétique, une atmosphère musicale évoquant le cabaret, ce que l'intimité de la salle permet et renforce.
On n'imaginait pas dans Brahms la voix claire et l'émission parfois droite de Christine Schäfer. Couplée avec Eric Schneider qui le déstructure en lui donnant souvent le rubato et le swing d'un piano-bar, le résultat est effectivement étrange quoique séduisant.
Techniquement, Christine Schäfer souffre surtout de sa respiration haute et de son émission du coup souvent expirée, produite par l'affaissement de sa cage thoracique. De là des sons tenus peu vibrants, à la justesse fluctuante, un souffle parfois court en fin de phrase et un peu d'air sur la voix.
Christine Schäfer chante bien la langue française, à l'exception de quelques nasales, notamment les "in" insuffisamment nasalisés laissant entendre leur équivalent non nasalisé "è". Eric Schneider est modérément debussyste, mais là aussi une réelle atmosphère se dégage et séduit.
Avec les Apparitions (1979) de Crumb (né en 1929), les deux interprètes semblent enfin "rentrer chez eux" et s'engager pleinement dans une oeuvre qui leur tient à coeur et correspond à leur sensibilité comme à leurs moyens. Difficiles ou distantes pour d'autres, ces Apparitions sont ici offertes avec une merveilleuse évidence. Peut-être moins répétés, Brahms et Debussy semblent a posteriori avoir été interprétés "à la Crumb", par des interprètes déjà investis dans cette dernière oeuvre de leur programme.
À écouter le 18 mai 2005 à 15h sur France-Musiques.
Alain Zürcher