Le festival d'Ambronay nous a permis de découvrir une très belle oeuvre de Hasse. Cet "opéra biblique" était précédé par le motet "Alta nubes illustrata". Remplaçant Sandrine Piau souffrante, Valérie Gabail a aussi assumé l'interprétation de cette oeuvre. Si on lui sait gré d'avoir permis à ce concert d'avoir lieu, elle n'en reste pas moins le seul élément problématique d'une distribution par ailleurs flamboyante.
Les Paladins réunissent des musiciens souvent très jeunes. Sous la direction de Jérôme Corréas, la sonorité de l'ensemble est magnifiquement claire et équilibrée. Les violons ont des timbres superbes et bien individualisés (Gilone Gaubert Jacques au premier violon, mais aussi Léonor de Recondo...). L'orchestration du motet est particulièrement bien rendue par la limpidité des lignes et des plans sonores.
Il semble impossible de distribuer la voix soliste de ce motet, comme ensuite le rôle de l'Ange, à une voix incapable de vocaliser.
Il est dommage que Valérie Gabail lâche tant de souffle sur ses vocalises et les détimbre ainsi. Elle semble les chanter en expiration, détachant les notes avec la glotte sans intervention du diaphragme. Si certaines vocalises aiguës sonnent bien, elle semble incapable de vocaliser dans le registre de poitrine. Registre dont elle ne tire pas tout le parti possible, ne réussissant surtout pas à y connecter son médium, de ce fait peu timbré. Les aigus eux-mêmes ne sortent pas toujours très bien. En fait, ce sont les principes même de l'appoggio et du soutien de la voix qu'elle ne maîtrise pas encore parfaitement. On imagine ce motet chanté par une voix autrement plus ample, aux médiums nourris par leur connexion au corps et à la voix de poitrine. Peut-être aussi n'a-t-elle pas travaillé encore suffisamment ces partitions pour y atteindre une aisance suffisante.
L'ouverture des Serpents de Feu a déçu par rapport au motet précédent, à cause des deux défauts opposés d'une transparence moins grande et d'un poids dramatique insuffisant. Les violons eux-mêmes ont laissé entendre quelques sons aigres. Peut-être le passage d'une oeuvre à l'autre était-il trop difficile à effectuer instantanément, malgré l'entracte qui les séparait. L'orchestre n'a ensuite plus faibli jusqu'à la fin.
Stéphanie d'Oustrac s'est montrée fabuleuse comme à son habitude, du moins quand on lui confie des rôles suffisamment dramatiques pour qu'elle puisse s'y engager corps et âme. Son chant est un magnifique exemple de connexion physique et d'engagement dramatique. Legato, ligne vocale, richesse de timbre et sincérité d'accent en découlent tout naturellement. Sa longueur de souffle dans les vocalises de l'air d'Eliab "Incerta vivendo" est stupéfiante.
Toujours excellente dans l'air pourtant grave pour elle de Nathanaël, elle transmet le même type
d'excitation physique que Marie-Nicole Lemieux il y a deux ans, entièrement engagée dans son personnage d'Orlando.
À ses côtés, Annette Markert a une voix plus mate et plus longue à chauffer, mais elle aussi magnifiquement connectée et tenant solidement la route jusqu'à la fin de l'oeuvre. Isabelle
Poulenard manifeste une longévité vocale d'excellente tenue. Robert Expert chante très bien.
Le premier air de l'Ange ("Coeli audite") met moins en lumière les faiblesses de Valérie Gabail que le motet. Son chant manque cependant de chair et elle se fatigue vite, toujours à cause de ses médiums et de ses vocalises, notamment à la fin de la partie A. Sa reprise est du coup plus fragile, en retrait. Son deuxième air ("Aura
beata") est hélas à nouveau très vocalisant. Valérie Gabail le chante à nouveau dans un dégonflement, mais réussit mieux la fin de la reprise, en ouvrant moins la bouche par devant et en restant un peu mieux posée sur le souffle, donnant l'impression d'une "gorge plus ouverte".
Après le beau duo de Josué et Éléazar, le dernier air de Moïse est superbement chanté par Annette Markert même s'il est un peu long, et c'est Stéphanie d'Oustrac qui conclut en beauté en interprétant l'épilogue de l'Ange.
Alain Zürcher