La Clemenza di Tito
Palais Garnier • Paris • 19/09/2006
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À l'écoute de cette reprise, on se prend à regretter que le DVD paru l'an dernier n'ait pas attendu les Sesto et Vitellia d'Elina Garanca et d'Anna Caterina Antonacci ! Mise en scène, décors et costumes sont toujours ceux de la création à Bruxelles en 1982, que Gerard Mortier a apporté dans ses bagages à Paris. Ils n'ont pas vieilli et semblent même mieux fonctionner qu'au printemps 2005.
Les choeurs sont pour une fois un rien faiblards. Gustav Kuhn apporte par contre une direction ample mais dramatique de belle tradition mozartienne. Si l'on se surprend parfois à tressaillir du désir d'un peu plus de nervosité, on constate aussi que cette direction en apparence placide fonctionne sans temps mort et porte magnifiquement les chanteurs.
Le plateau vocal est excellemment équilibré. Roland Bracht est toujours égal à lui-même. Ekaterina Syurina a une voix piquante et charnue. Hannah Esther Minutillo est un très efficace Annio. Christoph Prégardien conserve une émission de bonne tenue malgré des fragilités dans l'aigu. Elina Garanca est un Sesto parfait tant vocalement (quelle homogénéité !) que scéniquement (quelle expressivité !). Également juste et complexe, Anna Caterina Antonacci, déjà admirée en Cassandre des Troyens et en Néron du Couronnement de Poppée, campe une superbe Vitellia ou plutôt deux, car elle présente à la fin un personnage qui a bien mûri.
Cette soirée offre également une intéressante palette de techniques vocales : Christophe Pregardien a une manière bien à lui d'aborder l'aigu sans le couvrir mais en le risquant en voix pleine sans modification vocalique ou en le passant dans un quasi fausset (ou du moins une voce finta) bien relié avec la voix pleine. Une technique bien plus allemande qu'italienne, qui rappelle souvent Fischer-Dieskau.
Anna Caterina Antonacci a elle un mordant bien italien, dégageant souvent les dents en ouvrant très peu la mâchoire pour donner du brillant à sa voix, tout en l'arrondissant par une légère avancée des lèvres. Les formes multiples mais toujours souples qu'elle donne à sa bouche sont un enseignement en soi !
Rien d'aussi mordant chez Elina Garanca, mais des ouvertures buccales tout aussi modérées, où les lèvres ne laissent par contre jamais voir les dents, avec pour résultat un parfait équilibre harmonique dans une rondeur jamais grossie.
À voir jusqu'au 2 octobre au Palais Garnier.
Alain Zürcher