Daniela Barcellona et Juan Diego Flórez C
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 05/02/2007
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Ce concert frappe surtout par l'enthousiasme immédiat et disproportionné qu'il déclenche dans le public. Dès le retour en scène de Flórez pour son premier solo, il est applaudi comme pour un salut final ! Depuis son récital du 20 octobre 2004, Flórez est apparemment devenu la coqueluche du public parisien, cette fois nettement plus mondain. Il ne s'est pourtant pas produit à Paris depuis et sa seule apparition sur scène y remonte à 2002, dans la Cenerentola mise en scène par Savary au Palais Garnier. Au moins le public ovationne-t-il ce soir deux chanteurs au sommet de leurs moyens, ce qui n'est pas toujours le cas à Paris.
Le ténor péruvien a offert un bien honnête récital, mais sans commune mesure avec la perfection d'il y a deux ans. L'orchestre de Navarre, tout à fait adéquat dans ce répertoire léger, n'est quand même pas du niveau de l'Orchestre National de France. La trompette solo introduit bien "Povero Ernesto", mais l'introduction de "Oh fiamma soave" est assez bancale. Une répétition supplémentaire n'aurait pas été superflue pour Juan Diego Flórez non plus. Son rayonnement vocal et surtout dramatique aurait gagné à être mieux "calé" sur l'orchestre, dans un accord plus fusionnel avec son chef. Reprendre la Danza de Rossini en "bis du bis" est une bonne idée, mais mieux la répéter aurait permis d'offrir du premier coup une version musicalement cohérente, où chanteur et chef partagent le même tempo et le même rubato. Même la très musicienne Daniela Barcellona en aurait profité pour la cabalette de son "O mio Fernando".
Vocalement, on peut admirer la vigueur accrue du chant de Flórez, ou à l'inverse regretter certains sons presque "trop francs", des aigus un peu trop directs, soutenus musculairement à la limite de ses possibilités physiques, au risque de baisser comme sur l'aigu final de "Povero Ernesto". Un chant par moments un rien plus "mixte" et plus spianato ne serait pas honteux de la part d'un ténor lyrique léger ! Une netteté trop parfaite d'articulation et de phrasé peut aussi devenir un peu frustrante pour l'auditeur... mais pourquoi pinailler quand une salle comble semble conquise d'avance?
C'est avec le duetto du Viaggio a Reims que la soirée devient un peu excitante, mais ce n'est que dans sa reprise partielle en bis que les deux interprètes, et surtout Flórez, se "lâchent" vraiment.
Sans doute moins médiatisée, Daniela Barcellona est une excellente mezzo rossinienne "à l'ancienne" - par son physique impressionnant et la rondeur et l'homogénéité de sa voix, très loin des excès grimaçants et secoués de certaines de ses consoeurs. Elle domine parfaitement les vocalises de "Mura felici". On ne peut lui reprocher qu'une certaine froideur, peut-être liée au cadre limité d'un récital, dramatiquement frustrant par rapport à une intégrale scénique. Un orchestre plus engagé dramatiquement la soutiendrait mieux dans sa belle interprétation du "Venga pur minacci" extrait de Mitridate de Mozart.
Alain Zürcher