Écoutes de Spectacles

L'Étoile

 • Paris • 19/12/2007
Orchestre Révolutionnaire et Romantique
The Monteverdi Choir
Sir John Eliot Gardiner (dm)
Macha Makeïeff et Jérôme Deschamps (ms)
Alice Crousset (chg)
Macha Makeïeff (dc)
Dominique Bruguière (l)
Le Roi Ouf 1er  :  Jean-Luc Viala
Siroco  :  Jean-Philippe Lafont
Hérisson de Porc-Épic  :  Christophe Gay
Tapioca  :  François Piolino
Lazuli  :  Stéphanie d'Oustrac
La Princesse Laoula  :  Anne-Catherine Gillet
Aloès  :  Blandine Staskiewicz
Comédiens  :  Jean-Marc Bihour, Philippe Leygnac, Patrice Thibaud

La salle Favart rouvre ses portes et inaugure la direction de Jérôme Deschamps avec ce spectacle. Il est le premier d'une saison très intéressante qui fait la part belle au théâtre lyrique français, qu'il soit baroque (Cadmus et Hermione de Lully), romantique (Zampa de Hérold) ou contemporain (Roméo et Juliette de Dusapin).
Cette Étoile est un chef d'oeuvre de finesse, d'humour et de mélancolie. John-Eliot Gardiner la retrouve ce soir après l'avoir fait redécouvrir à Lyon et au disque en 1984. Son Orchestre Révolutionnaire et Romantique lui apporte une richesse de timbres toute nouvelle, appréciable ici dans un esprit de fête plus que d'authenticité.

La restauration du théâtre n'a heureusement pas rigidifié son plancher, qui vibre allègrement avec les percussions. La scène a aussi retrouvé son inclinaison, bien plus favorable à la projection des voix. L'acoustique est bien plus sonore et brillante sans être dure. à l'orchestre, le spectateur se trouve véritablement entouré de vibrations sonores. Les voix et les indispensables paroles passent à merveille, sans être couvertes par un orchestre pourtant exubérant.
En contrepartie, chaque défaut d'émission vocale se remarque. Sans doute les chanteurs doivent-ils s'habituer à ne pas forcer ni durcir leur timbre, dans cette acoustique mais aussi dans ce répertoire.

Le plateau vocal de ce soir est moins excitant qu'il ne le semble sur le papier. Il met au service de l'oeuvre une palette variée de techniques vocales, mais il lui manque une souplesse, une fluidité, une finesse, un charme qui puissent faire écho à ceux de l'oeuvre.

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Peu à l'aise en début de soirée où elle semble chanter ses graves trop en pression et mettre ainsi en péril ses aigus, Stéphanie d'Oustrac rentre dans la vocalité du rôle de Lazuli à partir de son "Ah ! j'ai fait un rêve". Est-il vraiment indispensable de respirer au milieu du mot "étoile" de son premier air? Catherine Gillet, elle aussi handicapée par une respiration courte et bruyante, assouplit progressivement une émission d'abord un peu dure. La douceur qu'elle trouve dans son récit de la noyade de Lazuli contraste alors bien avec ses "et puis crac".

Le couple Ouf/Tapioca fonctionne bien. La différence de gabarit des deux interprètes est plaisamment mise en valeur dans une petite saynète. Jean-Philippe Lafont est truculent. Jean-Luc Viala est bon comédien et sa voix claire sert bien son rôle. Les deux sont très amusants quand ils libèrent (ou outrent) leurs moyens vocaux dans la parodie de grand opéra au début du duo de la Chartreuse verte !

Les petits rôles sont bien distribués. Christophe Gay étonne par la diversité d'émissions qu'il déploie le long de son registre lors de sa première intervention. Le Monteverdi Choir est toujours excellent et ne laisse transparaître son origine anglaise que sur une seule phrase - exprès? Outrageusement maquillé, il est affublé de perruques et de costumes à la Beatles.
Les couleurs sont gaies, les décors sont légers, quelques panneaux et accessoires montent et descendent des cintres. Au lever de rideau, on retrouve la structure scénique de l'Enlèvement au Sérail du Grand Saint-Jean à Aix-en-Provence : extérieur nocturne et tour conique. à la fenêtre de celle-ci, on verra apparaître l'astrologue du roi, dont la tour reproduit le chapeau. Pour en descendre, machinerie d'ascenseur elle aussi familière. Autre touche "Deschiens" dans les trois comédiens qui interviennent dans l'action, de manière peut-être moins poussée qu'à Aix mais avec les désopilants mimodrames de Patrice Thibaud. Jean-Marc Bihour tient un rôle plus effacé qu'à Nantes en 2005, où le burlesque de la mise en scène d'Emmanuelle Bastet reposait en grande partie sur sa prestation.
Si le duel ne semble guère utile, la scène du coup de feu est très réussie. Ses percussions évoquent le Mikado de Gilbert et Sullivan !

À voir jusqu'au 23 décembre à l'Opéra Comique, puis à Nîmes les 10 et 11 janvier 2008. à écouter samedi 22 décembre 2007 à 20h sur France-Musique.
À noter que l'Étoile sera aussi à l'affiche de l'Opéra National du Rhin en février et mars 2008.