On peut appécier chez Chantal Santon des qualités évidentes de timbre et de diction. Elle en témoignait ici-même et en tournée dans la Finta Giardiniera de Mozart ou en tournée dans L'occasione fa il ladro.
Dans ses mélodies de Duparc, on est plutôt frustré par le piano un peu sec d'X.. Les accords de La vie antérieure sonnent avec plus de raideur que de noblesse ou de nostalgie, en tout cas sans aucune sensualité. Le "-dir" d'"approfondir" ne se laisse pas désirer, et le piano est trop dur pour permettre à la voix de se colorer et à l'atmosphère d'irradier. On peut aussi reprocher à Chantal Santon de ne pas conserver quelques "é" aussi fermés qu'ils pourraient l'être, par exemple sur le dernier "volupté" de L'invitation au voyage ou "aimée" d'Extase.
Les Ariettes oubliées sont rendues par Chantal Santon et X. d'une manière très neutre, dont on ne sait trop si elle découle d'un défaut de sensibilité poétique ou d'une tentative méritante de nettoyer ce cycle de traditions d'interprétation peut-être fausses. Dans C'est l'extase langoureuse, Chantal Santon pose et ralentit "le choeur des petites voix" sans en savourer et détailler les syllabes. Le "frêle et frais murmure" n'avance pas, puis le "roulis sourd des cailloux" ne se colore aucunement, quand l'intuition et la tradition demandent de fermer et assourdir la voix et d'accentuer la prononciation des consonnes pour traduire quelque peu ce roulis sourd - de façon peut-être bêtement pléonastique, mais si naturelle et attendue qu'il est frustrant d'en être privé. Dans Il pleure dans mon coeur, on sent à peine les contretemps des gouttes qui tombent ! La mélodie en ressort neutre et plate. Dans L'ombre des arbres, "parmi les ramures réelles" pourrait être plus expressif et on aimerait entendre les notes du postlude tinter davantage. Green fonctionne mieux, malgré un ralenti un peu trop brusque et un final "puisque vous reposez" dénué de chaleur et de tendresse. Le difficile Spleen n'est peut-être pas encore assez contrasté, entre ses passages exaltés et ceux plus immobiles.
Alain Zürcher