Écoutes de Spectacles

Der Rosenkavalier OC

 • Paris • 04/02/2009
Orchestre Philharmonique de Munich
Philharmonia Chor Wien
Christian Thielemann (dm)
Feldmarschallin  :  Renée Fleming
Baron Ochs  :  Franz Hawlata
Octavian  :  Sophie Koch
Sophie  :  Diana Damrau
Ein Sänger  :  Ramon Vargas
Herr von Faninal  :  Franz Grundheber
Marianne  :  Irmgard Vilsmaier
Valzacchi  :  Wolfgang Ablinger-Sperrhacke
Annina  :  Jane Henschel

Salle comble, ovation debout, cela était prévisible à la lecture du programme. Ce Chevalier à la Rose réunit en effet une distribution d'anthologie.
On avait entendu Renée Fleming en Maréchale à l'opéra Bastille en 1997, déjà avec Franz Hawlata en baron Ochs, mais avec Susan Graham en Octavian. Si l'Octavian de Sophie Koch est déjà une référence à Vienne, Munich ou Dresde, il fallait aller l'an dernier à Toulouse pour l'entendre pour la première fois en France. Sophie Koch a par contre déjà chanté plusieurs fois à Paris son Compositeur d'Ariane à Naxos et sa Rosina du Barbier de Séville. Dès son entrée, elle impressionne par une émission parfaitement ancrée et présente, dont se dégage une totale intégrité artistique. Elle sera splendide de bout en bout.

 

L'orchestre séduit aussi dès l'ouverture par la personnalité de ses cuivres puis de ses flûtes, qui semblent être des personnages de chair et non de simples lignes musicales dévolues à tel ou tel instrument. On s'imagine dans la forêt de Siegfried, fort heureusement car que resterait-il de Strauss sans séduction orchestrale? Hofmannstahl est sur la même longueur d'ondes : il recrée dans son livret un univers aristocratique imaginaire, qui un siècle après nous semble avoir été réel : il a rejoint, parmi notre imaginaire viennois, Sissi l'impératrice et les valses de Johann Strauss. Sur ce livret, Richard Strauss déverse ses ruissellements cristallins et déploie ses nappes sonores d'avant les synthétiseurs, ses reflets à l'infini d'avant le minimalisme. Il crée une oeuvre que l'on croit classique alors qu'elle était neuve et succédait aux tentatives fort différentes de Salome et Elektra. Une oeuvre que l'on croit complexe alors que les procédés y affleurent très près de la surface. Hofmannstahl l'a accompagné dans sa recherche, en écrivant le livret du Chevalier après celui d'Elektra.

L'acoustique du TCE est ce soir bien mise à profit par l'orchestre philharmonique de Munich, sans dureté ni saturation. Il est vrai qu'habitué au Gasteig et à ses réverbérations excessives, il doit avoir l'habitude de laisser respirer la musique sans la brutaliser. L'orchestre est donc très efficacement sonore sans clinquant et sans noyer les voix. Si c'est à l'opéra de Munich et par son orchestre qu'il faut avoir vu le Rosenkavalier, son interprétation coule aussi de source pour l'orchestre philharmonique de la ville.

Cette version de concert présente aussi l'intérêt d'avoir été rodée fin janvier à Baden-Baden, justement dans la mise en scène d'Herbert Wernicke régulièrement reprise à la Bastille depuis 1997. Les chanteurs en tirent parti pour interagir et nous faire profiter de leurs expressions et même de quelques gestes.

Franz Hawlata est toujours un excellent Ochs, moins "hénaurme" qu'en 1997, donc peut-être plus près des désirs de Strauss, qui ne voulait pas qu'on le rende trop vulgaire? Si lors de la reprise de 2006 son grave semblait moins sonore, certains aigus ce soir sonnent bouchés, mais c'est un détail face à son incarnation du personnage.
Sans l'avoir jamais réellement été, Renée Fleming peut donner l'impression d'être une Maréchale de référence. On regrette cependant son allemand assez pâteux, ses sons parfois ampoulés, émis en "soufflets" au détriment de la ligne vocale - surtout au troisième acte, où elle semble fatiguée. Elle appuie souvent trop sa voix en poitrine, se créant quelques problèmes de passage quand il faut en sortir. La conception orchestrale assez terrienne de Christian Thielemann et la position de l'orchestre sur scène ne permettent il est vrai pas non plus de faire flotter des sons aussi impalpables qu'on rêve d'en entendre de la part de voix féminines straussiennes.
L'émission bien connectée de Sophie Koch est quant à elle en phase avec cet environnement. Diana Damrau impose aussi sans problème sa Sophie effarouchée scéniquement mais nullement vocalement. Son médium comme ses aigus ont une solidité de bon aloi. Dans de petits rôles, on apprécie aussi le très prometteur ténor Jörg Schneider.