Jephtha O
Théâtre des Champs-Élysées • Paris • 02/04/2009
|
Au lendemain de La Resurrezione, un des premiers oratorios de Haendel, le Théâtre des Champs-Élysées présente son dernier oratorio, Jephtha. Si la forme reste proche, le style des deux oeuvres est très différent. La première est italienne; très proche de l'opéra, elle en a le caractère dramatique, la variété et l'exigence vocale. La deuxième est anglaise et moins contrastée, plus touchante que brillante. On n'y trouve pas, comme dans la première, matière à écrire deux ou trois opéras !
Servie ce soir par une distribution d'oratorio plus que d'opéra, Jephtha gagnerait peut-être à une extraversion vocalique plus opératique. Moins caricaturale que La Resurrezione, cette oeuvre est pourtant plus irritante par les prétentions moralisatrices douteuses de son livret. Selon celui-ci, on peut sacrifier qui on veut à condition que ce ne soit pas sa fille, et on est quand même le plus grand des rois si une opportune intervention divine commue la peine en virginité à vie. Le fanatisme religieux sous-jacent est si prégnant, sous ses habits jésuitiques, qu'il rend difficile la pure appréciation musicale.
L'orchestre séduit dans les premières minutes par des bois graves chauds et doux, laissant espérer de suaves couleurs qu'on n'entendra hélas plus de la soirée ! L'entrée d'Alan Ewing impressionne ensuite, avec un sonore "It must be so !", qui trouvera son pendant dans le choeur concluant le deuxième acte : "Whatever is, is right !", efficace slogan du fatalisme et du fanatisme. Cette voix grave au brillant métal est cependant la seule voix "opératique" de la distribution.
Paul Agnew est en forme et son timbre élégiaque est parfaitement adapté aux lamentations de Jephtha, qui n'est bravache qu'au premier acte. Sa vélocité est excellente dans "His mighty arm", sa plainte "Open thy marble jaws, o tomb" est superbe et son "Waft her, angels" a la ligne et la suavité requises. Avec Guillemette Laurens, on a plaisir à retrouver une pionnière du baroque français. Dans un style vocal souple ne recherchant pas le brillant, elle s'accorde très bien avec Paul Agnew. Son "Scenes of horror, scenes of woe" pourrait certes avoir un impact encore plus fort en étant chanté par une voix plus corsée, voire plus laide ! Tous deux faisaient partie de la distribution réunie en 2007 par David Stern pour l'enregistrement de cette oeuvre. Lisa Larsson aussi, qui apparaît ce soir dès le départ comme l'éternelle jeune fille effrayée qu'Iphis restera peut-être. Sa voix encore claire et pure sert très bien son air de résignation "Happy they !". En entendant l'air d'Hamor "Up the dreadful steep ascending", on imagine à nouveau ce qu'une voix d'opéra pourrait en faire. Quant à Daphné Touchais, elle séduirait même sans maquillage, par sa voix jolie et bien émise.
Les choeurs sont en fait la partie la plus intéressante de l'oeuvre. ils sont magnifiquement chantés par le choeur Opera Fuoco.
Alain Zürcher