Le Roi malgré lui
Opéra Comique • Paris • 29/04/2009
Orchestre de Paris
Choeur de l'Opéra national de Lyon Chef de choeur : Alan Woodbridge Reprise et adaptation de la production de l'Opéra national de Lyon William Lacey (dm) Laurent Pelly (ms) Agathe Mélinand (dr) Lionel Hoche (chg) Bernard Legoux (d) Laurent Pelly (c) Joël Adam (l) |
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Après avoir choisi L'Étoile pour la réouverture de la Salle Favart en décembre 2007, Jérôme Deschamps poursuit son hommage à Chabrier avec Le Roi malgré lui, créé dix ans plus tard ici-même - ou plutôt dans le bâtiment précédent, qui a brûlé une semaine après la création ! L'Opéra Comique invite la production lyonnaise de 2005, déjà reprise cette année à Lyon. Bonne idée, car la mise en scène de Laurent Pelly et la réécriture d'Agathe Mélinand rendent très efficace et cohérente cette oeuvre par elle-même un peu confuse, à la structure moins parfaite que L'Étoile. Aucun enregistrement n'en semble d'ailleurs actuellement disponible, alors que L'Étoile existe dans la belle version de John Eliot Gardiner.
Si les quelques gags ajoutés à base de 3 Mousquetaires ne sont que des clins d'oeil qui ne nuisent pas à l'oeuvre, la production lyonnaise a par contre été quelque peu comprimée pour tenir sur le petit plateau de la salle Favart. Le choeur est dense et sonore. S'il donne un impact nouveau à des pages que l'on pensait plus légères, il nivelle aussi la partition avec une intensité sonore un peu uniforme et "opératique". L'orchestre de Paris fait un peu trop entendre l'influence (bien digérée) de l'admiration de Chabrier pour Wagner, et pas toujours sa délicatesse - sauf dans la sublime romance du roi, "Beau pays, pays du gai soleil" ("cher pays" dans la version de ce soir?), sobrement respectée par Laurent Pelly. La direction de William Lacey n'est peut-être pas non plus un modèle de subtilité, mais a le mérite de donner à l'oeuvre force et cohérence.
Quoique fondée sur le principe éculé de la "répétition surprise par le public", la mise en scène de Laurent Pelly fonctionne parfaitement. Les 3 "régisseurs" en blouse qui donnent des indications scéniques ou apportent des accessoires ajoutent une touche comique sans brouiller la perception de l'action. La direction d'acteurs est excellente, exacerbant chez chacun les postures et mimiques les plus efficaces et comiques. Les costumes, mi XVIe d'opérette, mi XIXe, sont beaux et eux aussi efficaces. L'effet de masse créé par les conjurés tout de noir vêtus, comprimés les uns contre les autres sur la scène, est irrésistible ! Les "gondoles", poussées et tirées par les régisseurs quand Henri et Alexina évoquent leur rencontre vénitienne, apportent aussi une touche comique efficace.
On retrouve certains des chanteurs de 2005, l'excellent Franck Leguérinel passant de Laski à Fritelli, où il peut déployer toute sa truculence. Magali Léger est une Minka très idiomatique, même si transparaît ce soir une certaine dureté physique qui la rend moins délicieuse que naguère. Souvent difficile à comprendre, elle pourrait sans doute trouver un équilibre différent entre diction et vocalité pure. Jean-Sébastien Bou grossit d'abord sa voix, un peu en bouillie et pas très juste dans son duo avec Minka, mais la reconcentre très bien au cours des actes suivants. Gordon Gietz et Nabil Suliman ont des voix solides, bien en situation. Sophie Marin-Degor a bien mûri depuis ses débuts baroques. Elle campe une Alexina autoritaire et royale, intensément présente mais sans raideur. La salle comble est à bon droit enthousiaste !
À voir jusqu'au 5 mai à l'Opéra Comique.
Alain Zürcher