Les Fiançailles au Couvent
Opéra Comique • Paris • 30/01/2011
Orchestre et choeur du Capitole de Toulouse
Tugan Sokhiev (dm) Martin Duncan (ms) Alison Chitty (dc) Ben Wright (chg) Paul Pyant (l) |
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Après l'Opéra de Lyon, c'est au tour du Capitole de Toulouse d'être invité à l'Opéra Comique dans le cadre d'une coproduction. Démarche fort judicieuse qui nous permet de découvrir sur scène ces Fiançailles, pour la première fois à Paris dans une production française, le TCE ayant accueilli en 1997 une production du théâtre Mariinsky dirigée par Valery Gergiev. N'était-ce pas déjà le cas pour Le Nez de Chostakovitch, que Tourcoing avait monté en français en 1979, Paris entendu en version de concert en 1981, dont une production moscovite avait été invitée à Bordeaux en 1998 et à Massy en 1999, et dont Nantes avait invité fin 2004 une production de Lausanne avant que l'Opéra de Paris ne le programme enfin en 2005?
Comme pour Le Nez, la vitalité de cette musique russe conquiert et emporte d'emblée. L'école russe de chant séduit tout autant, la distribution étant ce soir majoritairement russe. Si la voix de Don Jérôme blanchit légèrement au fil de la soirée, on note ensuite que le par ailleurs excellent Brian Galliford est un des rares Anglais de la distribution. Tous sont à vrai dire admirables, et le professeur de chant n'a rien à ajouter ce soir !
Le décor minimaliste fonctionne lui aussi excellemment. Les portes indispensables au théâtre de boulevard sont réduites à leur plus simple expression, suspendues ou mises en place à droite, à gauche et au fond. Quelques projecteurs sont accrochés à un échafaudage, et c'est à peu près tout. Les costumes sont plus élaborés et très efficaces, les lumières sont colorées et ludiques. Les situations sont toutes très bien jouées par des chanteurs très doués pour le théâtre. Dans le programme de salle, consistant et passionnant comme toujours à l'Opéra Comique, Martin Duncan dit avoir voulu surtout que les situations soient claires, pour cette comédie en langue russe qui comprend beaucoup de dialogues. Son but est atteint, et l'oeuvre se précipite en avant sans temps mort, ainsi que l'a voulu Prokofiev.
Bien qu'utilisant les ressorts les plus usés de la comédie, Sheridan et Prokofiev réussissent le miracle de nous surprendre et faire sourire à chaque instant ! Certes ce soir, la différence sociale entre Don Jérôme le noble et Mendoza le riche marchand n'apparaît qu'à travers la vulgarité intemporelle de l'état de "marchand de poisson", mais Prokofiev lui-même avait déjà gommé le caractère juif de Mendoza. Certes, le ballet des masques de carnaval surgit de nulle part et repart comme il est venu, mais c'est le propre des masques de carnaval, et Prokofiev ne les a pas davantage intégrés à son oeuvre. Nul décor de Séville ni de couvent, mais le couvent du titre n'apparaît guère non plus chez Prokofiev, à qui il donne surtout l'occasion de satires anticléricales bien vues par le régime soviétique.
L'orchestre du Capitole est parfait d'ensemble, de dynamisme et de couleurs, sous la baguette idéale de Tugan Sokhiev. Choeurs et chorégraphies ajoutent au burlesque, ainsi ce choeur de poissonnières ou ces moines ivres qui se mettent à chanter des psaumes quand ils reçoivent de la visite ! Entre moult passages bouffe, Prokofiev nous offre même un "chanteur italien" en la personne d'Antonio, un bel air lyrique chanté par Clara et un plaisant quatuor vocal !
À voir jusqu'au 13 janvier à l'Opéra Comique. à écouter le 22 janvier à 19h sur France-Musique.
Alain Zürcher