Felicity Lott (Le Salon de Pauline Viardot) R
Musée d'Orsay • Paris • 17/03/2011
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Ce concert inaugure une série de soirées consacrées par le Musée d'Orsay aux salons, ces lieux mondains mais aussi intellectuels et musicaux. Chacun avait son jour, celui de Pauline Viardot était le jeudi ! C'est une des nombreuses choses que nous apprend Graham Johnson, artisan de ces concerts. Musicologue autant que pianiste, il est en effet l'auteur des textes lus par Nicolas Vaude. Il s'agit là du deuxième salon de Pauline Viardot, réouvert rue de Douai à son retour en France en 1871 après les années passées à Baden-Baden. Pauline Viardot a alors cinquante ans, de la personnalité et les restes d'une voix qui n'a jamais été très belle.
Si Felicity Lott convainquait encore en 2004, en Grande Duchesse de Gerolstein au Châtelet ou en récital au TCE, dans un original programme déjà concocté par Graham Johnson, sa prestation de ce soir ne rappelle plus que de loin, même à ceux qui l'ont admirée, l'élégance de son style de jadis. Si ses aigus sont désormais limités, c'est le soutien physique de son souffle qui lui fait le plus défaut et l'empêchent de phraser avec la souplesse et l'énergie souhaitables. Si son vibrato s'est élargi et ralenti, son timbre conserve cependant des harmoniques qui lui permettent de préserver la justesse de son émission.
Ce n'est malheureusemment pas le cas de sa jeune collègue ou élève Clara Mouriz, qui chante constamment bas. Étrangement, on trouve chez elle les mêmes défauts d'émission que chez Angelika Kirchschlager en 2004. Sa posture est affaissée et sa conception de la gestion du souffe manifestement erronée. Soit qu'elle le laisse aller, soit qu'elle le pousse, l'effet est de tirer sa voix vers le bas et de la priver des harmoniques aigus qui assureraient sa justesse. Le comble est atteint avec la Chanson du pêcheur de Fauré. Si Dalila est bien sûr, même dans le cadre d'un salon, un rôle trop lourd pour elle, certaines pièces lui indiquent le chemin de plus de légèreté, de souplesse et de brillant : la Cancion de l'Infanta dans sa langue maternelle ou l'intéressante et agréable Coccinelle de Bizet, dont elle retient et avale cependant le "hélas !" final.
Sans accord de leurs harmoniques, les deux voix ne se complètent pas du tout, ce qui est dommage pour le beau programme de duos chantés à l'époque par deux filles de Pauline Viardot.
Un concert décevant pour une grande dame qui n'a plus rien à prouver, mais continuer à faire de la musique est certainement plus agréable que de recevoir encore une distinction honorifique de plus !
À suivre au Musée d'Orsay, le salon de Marguerite de Saint-Marceaux le 19 mai et celui de Winnaretta de Polignac le 26 mai, qui seront l'occasion d'écouter, aux côtés de chanteurs plus âgés, les excellents Yann Beuron et Stéphanie d'Oustrac.
À écouter le 31 mars à 12h30 sur France-Musique.
Alain Zürcher