Patricia Petibon ("Melancolia") C
Salle Pleyel • Paris • 05/11/2011
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Patricia Petibon surgit toujours où on ne l'attend pas. Voix légère et tempérament déjanté, elle avait surpris en acquérant plus de coffre dans Zampa. Elle surprend à nouveau en se prenant de passion pour la zarzuela et le flamenco. Reflet de son récent disque, ce concert présente une palette très ibérique, lumineuse au prisme de Ravel mais douloureuse dans ses incarnations féminines.
Comme souvent en récital, Patricia Petibon ne s'affirme vraiment qu'après l'entracte. Soutenue par une formation de chambre d'esprit plus populaire, sa voix se fait mieux entendre. En première partie, les pièces pompeusement orchestrées par les compositeurs espagnols la noient souvent. Sa voix ne se laisse percevoir que par éclats parfois à la limite du cri, sans que l'on puisse en savourer la chair ni la ligne.
Bien au-delà de leur fonction de remplissage et de repos offerts à la chanteuse, les interludes orchestraux ont été passionnants. La célébrissime Alborada del gracioso elle-même a été nouvellement éclairée par Josep Pons à la tête de l'Orchestre National du Capitole de Toulouse. Par la vertu d'un tempo lent et strictement tenu, il en met en valeur les aspects inquiétants et grinçants. à cette rigueur de cadre s'oppose une sensualité de couleurs chaudes et miroitantes et un superbe solo de basson. La Rapsodie espagnole est un peu plus inégale, séduisante dans ses mouvements lents mais manquant d'élan dans ses moments plus exaltés, légèrement imprécise au début de sa Feria mais idéalement lasse à la fin... En applaudissant après chaque mouvement, le public donnerait l'envie de demander la nationalité japonaise ou norvégienne si l'on ne restait pas fier du génie d'orchestrateur de Ravel. La soupe hollywoodienne de l'Interlude de la Vie brève de De Falla en paraît d'autant plus indigeste.
Du flamenco, Patricia Petibon adopte les ports de voix, les intonations, les attitudes et peu à peu même les pas de danse. Les pièces de Granados, Turina ou De Falla qu'elle présente sont tout de même des contre-emplois qui requièrent plus de grave que d'aigu, jusqu'à l'extrait de Torroba où elle est le plus couverte par l'orchestre.
Après l'entracte, c'est avec un superbe engagement qu'elle crée l'oeuvre qu'elle a commandé à Nicolas Bacri. Ce dernier se plie à merveille à la langue espagnole et à l'écriture néo-romantique de ses voisins de programme. Dès sa première mélodie, il attire et séduit dès la première écoute par un minimalisme lancinant. Patricia Petibon phrase et conduit sa voix sur un souffle bien mieux ancré qu'en première partie. Dans la troisième mélodie, elle chante des aigus forte mais non criés.
Après un improbable Ogundé uareré emprunté à Bidú Sayão, sans consistance musicale mais pour lequel Patricia Petibon et ses partenaires créent une atmosphère, les mêmes épanouissent leur veine flamenca dans le chant populaire de Joaquin Nin. La dernière pièce au programme renoue avec les débuts burlesques de Patricia Petibon : la piqûre d'une tarentule a rendu un pauvre garçon tout frénétique et lui fait battre le record du nombre de mots à la minute. Après un premier bis flamenco, Patricia Petibon clôt la soirée allongée sur scène, endormie par sa propre berceuse, la fameuse Cancion de cuna para dormir a un negrito de Montsalvatge.
Alain Zürcher