Le Bal OE
Théâtre du Châtelet • Paris • 13/01/2012
Orchestre National de France
Anu Tali (dm) Matthew Jocelyn (me) Hermenegildo Sabat (illustrations projetées) |
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Présences, festival de musique contemporaine de Radio-France, ose cette année devenir payant, paradoxe de la crise ambiante qui oblige à vendre plus cher ce que le public a moins d'argent pour acheter. Oscar Strasnoy, compositeur enfin abordable sans être médiocre, a peut-être rendu cela possible. Il semble en effet concilier toutes les qualités : profondeur, créativité, théâtralité, humanité... comme s'il avait effectué en toute discrétion un parcours pourtant reconnu a posteriori comme parfait, tel que l'époque le réclame ! Oscar Strasnoy provoque en excitant et séduisant à la fois. Il touche juste tout en procurant le nécessaire frisson du mauvais garçon, la touche faubourienne ou crue sans laquelle il serait un brillant conférencier mais pas un grand artiste.
À l'Opéra Comique la saison passée, Cachafaz avait séduit par l'engagement total des interprètes réunis. Ceux de ce soir ont créé l'oeuvre à Hambourg en 2010, mais ils ne doivent pas avoir bénéficié de répétitions suffisantes avec l'orchestre, d'où un nombre de décalages, d'erreurs et d'oublis tout de même gênants, surtout de la part du "bruiteur" !
Hugo Oliviera a une bonne voix, Chantal Perraud assume correctement son rôle d'hystérique - un sommet d'hystérie vocale qui souligne et moque du même coup la tendance fréquente des compositeurs contemporains à écrire trop tendu pour les voix et à ne croire devoir tolérer que les extrêmes. Oscar Strasnoy n'y échappe pas totalement, car son écriture vocale est ici souvent rude pour les chanteurs, et les surtitres ne sont pas superflus. Il semble avec Cachafaz avoir mûri sur ce point, exploitant plus finement le médium et valorisant les possibilités de ses interprètes.
En Rosine, on imagine une voix plus ample et plus ronde que celle de Miriam Gordon-Stewart, un peu serrée ce soir. Fabrice Dalis pousse d'abord sa voix mais est le ténor de caractère, le veule Hérode requis. Ann-Beth Solvang a un mezzo très concentré et efficace, idéal dans son rôle. Trine Wilsberg Lund arrive encore à jouer la chipie adolescente, tout en s'affirmant vocalement.
Le Bal est une oeuvre burlesque et séduisante. On ne s'ennuie qu'en attendant les invités, ce qui est
sans doute voulu, car comment mieux traduire l'attente et l'ennui qu'en ennuyant les spectateurs? La musique en
semble peu structurée, voire parfois presque aléatoire, mais toujours avec goût. L'inventivité de surface répond
toujours, chez Strasnoy, à une démarche conceptuelle et philosophique. C'est même ce qui semble motiver et
relancer sans cesse sa vocation de créateur, théâtral ou même social autant que musical.
Les caricatures des personnages par Hermenegildo Sabat, projetées sur un écran, sont pertinentes, et le jeu
d'acteur réglé par Matthew Jocelyn est efficace, comme son excellent livret.
En première partie, l'ONF joue les Quatre interludes marins et la Passacaille de Peter Grimes de Benjamin Britten. Sous la baguette de la jeune Anu Tali, son interprétation est claire et précise, mais ses membres ne semblent pas tous conscients de la totalité des phrases orchestrales et de la manière dont leurs interventions devraient s'y intégrer. Cette approche un peu sèche et analytique réussit mieux à la Passacaille.
Alain Zürcher