Sister Act M
Théâtre Mogador • Paris • 04/10/2012
Carline Brouwer (ms)
Klara Zieglerova (d) Lez Brotherston (c) Anthony Van Laast (chg) Natasha Katz (l) Gareth Owen (s) |
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Sister Act fut d'abord un film très populaire, joué en 1992 par l'actrice comique Whoopi Goldberg. C'est en productrice que celle-ci est désormais associée à la comédie musicale, entièrement réécrite sur la trame du film. Moins de lieux, moins de dialogues et surtout davantage de musique, entièrement recomposée par Alan Menken, le créateur des musiques de nombreux films de Walt Disney.
Présentée dans plusieurs pays, c'est en version française que Sister Act arrive à Paris dans le beau théâtre Mogador. Le style musical alternant entre la ballade et le disco, la langue française n'y choque pas, et permet bien sûr de suivre l'action sans surtitres ! Dans l'adaptation de Nicolas Nebot, seule la chanson de Curtis Cette fille sonne plutôt ridicule, mais outre les paroles, la faute en incombe peut-être au choix d'une voix trop laide, même pour un personnage de méchant. à l'inverse, la chanson Suis ta voie (ou voix) utilise idéalement le son ouvert des "a" français sur les forte. Ludovic-Alexandre Vidal a quant à lui ajouté quelques jeux de mots et clins d'oeil qui font facilement mouche sur le public.
La mise en scène est efficace et le jeu surtout sonne juste, ce qui coule de source à Broadway mais est plus rare dans les comédies musicales françaises ou francisées. La chorégraphie gesticule à grands mouvements de bras évoquant l'essorage synchronisé de multiples salades, mais bien dans le style disco voulu, puisque l'action a été déplacée à la fin des années 70. On peut s'étonner au début d'une certaine pauvreté des décors, mais ces débuts sont rachetés par la très kitsch église éclairée de vitraux multicolores et dominée par une grande Vierge brillante.
L'histoire est la même que dans le film : une chanteuse de cabaret miteux est témoin d'un meurtre commis par son patron et amant mafieux. Celui-ci voulant s'en débarrasser avec l'aide de ses trois acolytes minables, elle doit être cachée par la police dans un couvent, où elle fait bien sûr tache avant de ranimer toute la communauté et d'attirer les foules en prenant la direction du choeur au rythme du disco. Sans doute pour plaire au jeune public, le policier Eddie est transformé en amoureux d'enfance de Dolorès, timide et boutonneux - ou plutôt suant. Thierry Picaut en souffre un peu : excellent chanteur dans l'aigu, son rôle lui impose des graves qui ne le mettent pas en valeur, et lui fait jouer et danser la raideur et la gaucherie d'une manière peu convaincante.
Parmi les autres rôles masculins, c'est le trio des ringards qui emporte les suffrages, réussissant de beaux solos après leur premier choeur comiquement allégé en fausset.
Carmen Ferlan en mère supérieure reste très proche de son personnage filmé. L'écriture vocale de son premier air lui impose des passages parfois étranges entre les registres de tête et de poitrine. Elle chante mieux son deuxième air où elle se plaint au Seigneur. En vieux routier des planches et des plateaux, Christian Bujeau porte encore plus loin son personnage et apporte une fantaisie et une respiration bienvenues au spectacle. Dans le rôle principal, Aurélie Konaté se chauffe peu à peu la voix (jusqu'à son air de "star" bien chanté quoiqu'un peu tarte à la crème), mais touche cependant plusieurs fois ses limites.
Comme son personnage du film, Sarah Manesse réussit son passage de la timidité à la plénitude vocale. Comme Christian Bujeau, Valériane de Villeneuve développe son personnage au-delà de celui du film, de manière impayable, avec les facettes nouvelles (Woodstock !) apportées par sa réécriture. Lola Ces est une Soeur Marie Patrick conforme et sympathique, peut-être moins mise en valeur que dans le film, la carte "public pré-ado" n'ayant pas été jouée sur elle.
Dans la fosse, un petit ensemble orchestral efficace, dont ni les musiciens ni le chef n'apparaissent dans le dossier de presse?
Un bon spectacle rythmé et efficace à voir en famille au Théâtre Mogador. Les chansons nouvelles sont plutôt plus mélodiques et ne font pas regretter les anciennes.
Alain Zürcher