Franco Fagioli R
Salle Gaveau • Paris • 10/01/2013
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On a pu récemment admirer Franco Fagioli dans le grand rôle d'Arbace de l'Artaserse de Vinci, qui lui allait à merveille. L'intimité de la salle Gaveau permet de l'entendre dans un programme qu'il a enregistré au début de l'année 2011.
Plutôt que les airs d'opéra virtuoses qui lui conviennent si bien, il a choisi un intéressant mélange de grandes pièces isolées du début à la fin du baroque italien. C'est cependant dans les passages vocalisants qu'il se fait le plus applaudir, ainsi dans l'aria da capo Cor ingrato à la fin de la cantate Pianti e sospiri de Vivaldi. Juste avant dans la même cantate, sa voix ne sonnait pourtant pas très pure, et son texte n'était du coup pas très net.
Comme Vivica Genaux ou Lorenzo Regazzo, Franco Fagioli grimace beaucoup en chantant. Il tord sa bouche, recule la mâchoire, en fait saillir les muscles servant habituellement à la mastication ou au sourire, lève les sourcils et, quand il ne les ferme pas, "roule des yeux" comme les notes de programme soulignent pourtant qu'il ne fallait pas faire pour la musique da camera, selon Lodovico Zacconi en 1592 !
Les voyelles de Franco Fagioli manquent donc de pureté et sa voix ne peut pas être décrite comme "belle". Sur scène, dans un personnage complexe ou une caricature de méchant avec de beaux airs de furie, il peut exceller. Mais un programme belcantiste en concert laisse un peu sur sa faim. Certes, un suraigu met régulièrement en extase le public très particulier des récitals de contre-ténor - qui s'endort en ronflant pendant les pièces instrumentales et se réveille pour hurler à une prouesse relevant plus du cirque que de la musicalité.
Dans Ecco di dolci raggi de Monteverdi ou dans Amanti io vi so dire de Ferrari, Franco Fagioli démontre sa parfaite maîtrise du passage entre les mécanismes léger (aigu) et lourd (grave). L'air de Ferrari est amusant et bavard. Dans Monteverdi, le phrasé correct de Fagioli pourrait sans doute être encore plus libre et intéressant. Aure soavi e liete de Haendel est un peu haché et ampoulé. L'émission vocale manquant de liberté et de pureté, le phrasé en souffre aussi : Fagioli met une pression excessive en soufflets successifs et prend parfois ses notes par en-dessous. Pour un contre-ténor, son vibrato est marqué, contribuant peut-être à la puissance de sa voix.
L'air de Paisiello Nel cor più non mi sento, qui conclut le récital, est connu en tant qu'aria antica, mais Fagioli en chante des variations très ornées s'achevant en suraigu, ce qu'il fait toujours très bien.
En bis, après Si dolce è'l tormento de Monteverdi et à la demande répétée du public, Fagioli chante un brillant extrait d'Artarserse a cappella, avant de reprendre la fin de l'air de Ferrari, avec d'ailleurs plus d'aisance que la première fois, ce qui est le propre et l'intérêt des bis !
Alain Zürcher