Il segreto di Susanna / La voix humaine
Opéra Comique • Paris • 17/03/2013
Orchestre Philharmonique du Luxembourg
Pascal Rophé (dm) Ludovic Lagarde (ms) Antoine Vasseur (d) Lidwine Prolonge (v) Fanny Brouste (c) Sébastien Michaud (l) |
|
Le secret de Suzanne © Bohumil Kostohryz
L'Opéra Comique, en coproduction avec les Théâtres de la Ville de Luxembourg et l'Opéra Royal de Wallonie, propose un couplage musicalement étrange : Il segreto di Susanna de Wolf-Ferrari et La voix humaine de Poulenc. Le premier, d'une esthétique néo-classique-vériste et germano-italienne (!), date de 1909, l'oeuvre plus connue de Poulenc d'un demi-siècle plus tard. Les deux oeuvres ont cependant un effectif orchestral proche et une interprète féminine, à laquelle Wolf-Ferrari adjoint un mari.
La voix humaine © Bohumil Kostohryz
Le cadre domestique est également le même, ce qui permet à la soirée de partager un même décor. Le secret de Suzanne nous montre une seule face du beau décor épuré d'Antoine Vasseur, diversement coloré par des projecteurs. La voix humaine le garde blanc mais le fait tourner, nous faisant découvrir la chambre à coucher et la salle de bains où la baignoire débordera sans attirer l'héroïne.
Le sujet du Secret de Suzanne est d'une platitude désespérante. En faisant fumer dès le lever de rideau tout le décor, le valet et la comtesse, Ludovic Lagarde nous prive de tout pseudo-suspense. La musique de Wolf-Ferrari n'est intéressante que par son hybridation : fond de vérisme s'amusant à citer Mozart ou les belcantistes Bellini et Donizetti. Ludovic Lagarde accentue la présence insistante du serviteur muet, qui évoque The servant de Losey, tandis que le comte Gil a une tête à la Clark Gable - et Vittorio Prato une émission italienne d'un métal très efficace.
Anna Caterina Antonacci, au centre des deux oeuvres, reste elle-même, belle de corps et de voix, déployant ses atouts sans excès démonstratif. Elle interprète sobrement et avec classe le monologue de Jean Cocteau mis en musique par Poulenc pour Denise Duval et créé ici-même. Froide au début, elle nous entraîne peu à peu plus avant dans sa passion. L'orchestre même, d'abord clinquant et brutal, épouse au fil de la soirée les souples contours de la musique de Poulenc. Quand il ne couvre pas les chanteurs, il ne fait alors plus regretter la version plus intimiste offerte avec piano par Stéphanie d'Oustrac au théâtre de l'Athénée en 2011.
À voir jusqu'au 29 mars à l'Opéra Comique.
Alain Zürcher