Diva ! (Yoncheva/Stutzmann) C
Salle Pleyel • Paris • 28/01/2014
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Nathalie Stutzmann alterne maintenant chant seul, direction seule, chant et direction ! Elle convainquait par sa sincérité et son engagement dans sa Cantate imaginaire de Bach, entendue salle Gaveau fin 2012. Au service d'une autre voix, sa prestation est forcément moins totale. Le néo-romantisme du phrasé orchestral comme vocal séduit moins.
Le titre passe-partout accolé à ce concert, "Diva !", se justifie peut-être par la présence scénique et les moyens vocaux de Sonya Yoncheva, mais aussi par les tubes qu'elle aligne et les effets d'un goût douteux qu'elle plaque dessus. Sans doute serait-elle intéressante dans un de ces rôles interprétés intégralement sur scène, mais cette succession de numéros, propre certes à tout récital, ne lui réussit pas. Ou plutôt lui réussit très bien auprès du public, mais sans convaincre l'amateur plus exigeant.
Les airs alternent avec des mouvements de concerti grossi de thèmes ou de climats proches - ainsi, l'allegro du concerto grosso HWV321 reprend le thème de "Non disperar, chi sa?". Le concerto grosso HWV316 est plus ennuyeux. Le tout remplit sa fonction de repos pour la chanteuse et de transition pour le public, en un pot-pourri bien de notre époque, qui renoue avec des traditions d'après-guerre après la parenthèse des années 80, où seules avaient droit de cité l'intégralité et l'authenticité !
Ce premier air, "Non disperar, chi sa?", convient parfaitement à la vocalité de Sonya Yoncheva, qui le reprend d'ailleurs en deuxième bis en le jouant encore davantage. "Care selve" fait entendre une voix pleine et bien liée, à la limite du port de voix. Dans "Se pietà", quelques notes sortent de la ligne, un peu ouvertes et poussées. Ce sera le cas aussi pendant la seconde partie du concert sur "È un fuoco quel d'amore", avec une tendance à pousser et à chanter légèrement trop haut les forte aigus. Le rôle d'Alcina est ensuite trop lourd pour elle. La taille de la salle l'incite peut-être aussi à enfler sa voix en soufflets successifs. Ses voyelles en deviennent indistinctes dans "Ah ! mio cor". Sonya Yoncheva retrouve son naturel dans le récit "Ah, Ruggiero crudel". Elle peut y conduire sa voix libremet en fonction de son texte et des affects de son personnage. Mais dès qu'elle aborde l'air "Ombre pallide", elle redevient artificielle, plaçant des effets sur des notes au lieu d'incarner un personnage et de conduire des lignes plus claires sur des voyelles plus pures.
Comme celui de Nathalie Stutzmann dans sa Cantate imaginaire, son choix de bis déçoit (mais enchante le public) : "Lascia ch'io pianga" de Rinaldo, quand on attendait au moins un "V'adoro, pupille" de Giulio Cesare.
Alain Zürcher